dimanche 4 janvier 2009

Guillaume chez les Soviets, tome 2

Priviet tovarichs!

Eh oui, voici déjà le nouveau tome de la saga nordique "Guillaume chez les Soviets", celle qui donne des nouvelles du héros éponyme, tout en suivant une importante mission d'éducation populaire au sujet de la Russie. Certains s'étonneront peut-être de la faible fréquence de publication de cet ouvrage. Deux facteurs importants peuvent expliquer une telle rareté:
petit a: la qualité tout a fait exceptionnelle des méditations philosophiques que contiennent ces rubriques, qui ne peuvent qu'être le fruit de nombreuses semaines de réflexion.
petit b: je suis paresseux

Je tiens d'abord a remercier chaleureusement tous ceux qui m'ont répondu, épanchant ma soif de nouvelles et me donnant du même coup la brève illusion de n'être pas si loin de chez moi.
Ces charmants correspondants ont, pour la plupart, répondu à ma demande en me suggérant des sujets à traiter. J'ai longuement compilé toutes ces demandes et je suis parvenu a les résumer toutes en un seul mot: vodka! On voit bien ce qui vous obsède, petits coquins.
Or, comme je ne trahis par mes engagements, voici la...

Rubrique 3: la Vodka.
Oui, la vodka est une institution en Russie. Il suffit de pénétrer dans un magasin d'alimentation, n'importe lequel, pour s'en faire une idée. L'étalage de vodka occupe un mur entier et offre une diversité tout à fait étourdissante. De plus, cette boisson ne s'avère absolument pas chère (enfin, pour les étrangers), puisqu'on peut acheter une bonne bouteille (d'un litre) pour cinq dollars environ. Le choix est vaste, car les Russes reconnaissent des qualités et des gouts aux marques différentes. Personnellement, je leur trouve toutes un charmant petit gout d'alcool à friction, mais ça doit être parce que je n'ai pas le palais raffiné. A part ça, les Russes en fabriquent souvent eux-mêmes, ce qui revient bien sûr encore moins cher, mais qui n'est absolument pas recommandé pour tous les estomacs fragiles ou simplement étrangers. Le conseil que l'on m'a donné à ce sujet va comme suit: refuser toute vodka faite maison, sous peine de suicide gastrique.
Le problème avec cette recommandation est qu'elle s'oppose à toutes les règles de bienséance russes. En effet, tous les guides de voyages s'accordent pour dire qu'il est absolument impoli de refuser un verre de vodka (faite maison ou non) offert par des Russes. Le petit hic, c'est que les Russes offrent rarement un seul verre de vodka à la fois. Bonne chance pour survivre. Je reviendrai plus tard sur mes expériences personnelles et sur la façon élégante avec laquelle j'ai évité le coma éthylique.
Ceci dit, la consommation de vodka tend à baisser en Russie au profit de la bière. La bière locale est encore moins chère que la vodka et elle n’est pas mal non plus.
Autre particularité locale, il n'est pas interdit en Russie de boire de l'alcool dans la rue. À toute heure de la journée et dans tous les coins de la ville, on croise donc continuellement des passants en train de caler une bière en attendant la lumière verte. Je sais bien que, fondamentalement, le fait de boire une bière affalé sur son sofa ou sur le bord du trottoir ne change pas grand chose au geste lui-même, mais il reste que pour un étranger au regard plein d'innocence (comme moi, véritable Bambie humain), ça donne pas mal un air d'acoolo. D'ailleurs, puisqu'il en est question, l'alcoolisme est un problème vraiment grave en Russie. En fait, c'est pas mal le problème social numéro 1 et cela depuis que l'alcool existe (ce qui remonte à avant la roue, car l'humanité a le sens des priorités). Le soir, il arrive souvent de croiser des saoulons dans la rue. Je n'ai pas besoin de vous dire que je tends à éviter leur fréquentation, pourtant très joyeuse.
Bon, trêve de considérations générales. Il est temps de vous narrer mes expériences personnelles avec notre amie la vodka.
Il y a de cela environ trois semaines, je suis invité par des amis à une vetcherinka (party, en russe. Mot aussi fondamental ici que priviet (bonjour) et dourak (imbécile)) dans leur résidence. Pour humidifier nos palais pendant la soirée, nous achetons deux bouteilles d'un litre de vodka et deux pots de cornichons. Petite explication: aucun de nous n'est amoureux des cornichons, mais il est habituel en Russie de grignoter entre les rasades de vodka (il y a même un verbe juste pour décrire ça) et c'est, en général, des cornichons. La soirée s'avère très joyeuses : plusieurs autres bouteilles de vodka sont ouvertes. A ce moment, nul ne pouvait se douter parmi nous que la plupart des membres présents allaient vivre chacun de leur côté des aventures mémorables suite à cette soirée. Voici un petit résumé de ces aventures, dont vous tirerez vous même une morale quant à la consommation de vodka. Les noms des personnes concernées sont censurés, afin de protéger leur réputation.
- X, un russe, qui s'était vanté de ne jamais ressentir les effets de l'alcool s'effondre le premier en fin de soirée dans le corridor, après une longue danse solitaire aussi frénétique que ridicule. Nous le trainons jusqu'à son lit. Trois fois pendant la nuit il tombe de son lit et se met à convulser, si bien que ses colocs sont songent à appeler un corbillard. Il s'en sort finalement grâce à l'intervention de Saint-Vladimir, patron des causes désespérées. Phénomène incroyable: pendant son sommeil alcoolise, il défèque dans son pantalon. La vodka permet des exploits insoupçonnés.
- Y, un Français, tente de rejoindre ses amis dans un club à la fin de la soirée mais est surpris par l'ouverture des ponts (à Saint-Pete, pendant la nuit, les ponts s'ouvrent pour laisser passer les bateaux et on peut rester prisonnier d'un quartier encerclé par les canaux). Il décide, ô intelligence vive, de dormir dans un parc. Là, il est apostrophé par des policiers russes (les individus les plus dangereux de la ville, avec les skinheads). Complètement saoul, ne parlant pas un mot de russe, il est emmené au poste où il passe la nuit dans des conditions plus que douteuses. Il ne retrouve sa liberté que quand un de ses amis finit par dessaouler et vient payer la caution.
-Z, une Française, rentre d'urgence dans la famille où elle habite, car on croit que l'appartement va exploser a cause d'une fuite de gaz. Fausse alerte. Je sais, ça n'a pas de rapport avec la vodka, mais c'est arrivé le même soir.
-G, un sympathique Québécois doté de tous les charmes, passe la soirée à manger des cornichons dégueulasses en se disant qu'il évitera ainsi l'ivresse excessive. Sans résultat: il se forge dans toute la résidence une réputation de chanteur dans les ascenseurs et c'est par un miracle qu'il ne peut s'expliquer (de fait, il ne s'en souvient plus), qu'il réussit à rentrer dans sa résidence. Ses seuls souvenirs de la fin de la soirée sont un jeu amusant sur le chemin du retour: tenter de marcher droit, sans succès. Les cornichons à moitié digérés finissent leur vie sur le plancher à côté de la toilette. Triste destin. Pour notre héros, toute la journée du lendemain se déroule avec la tête comme un sauna et l'estomac comme une vieille guenille tordue.
Tous les participants de cette soirée se sont jurés, chacun de leur côté, de ne plus boire de vodka avant un mois et tous ont manqué à leur parole.
Et vive la bière!

Rubrique 4: Obchijitie (la résidence)
Avant de venir en Russie, j'avoue que je nourrissais certains préjuges sur la salubrité et l'hygiène de ce pays. Concernant la résidence universitaire, je m'attendais donc à tout: saleté, chauffage défectueux, murs aussi isolants que du papier calque, joyeux cafards et voisins psychopathes. Quelle ne fut donc pas ma surprise de découvrir en ma résidence exactement le contraire. Tout d'abord, la résidence est très propre. Les planchers sont lavés chaque matin (et chaque matin je passe a un doigt de glisser et d'imprimer la marque de mes molaires sur les dalles mouillées). Ensuite, les ascenseurs fonctionnent. La seule fois que je les ai vus hors d'usage, c'était la fois ou neuf étudiants avaient eu la géniale idée de s'entasser dans l'ascenseur dont la capacité maximale est de quatre personnes. La porte s'est fermée et ils sont restés pendant une heure dans un état tellement compact qu'ils formaient un seul bloc humain quand on les a sortis. Et finalement, les chambres sont petites mais parfaitement vivables et mon voisin n'est pas, en apparence du moins, un psychopathe. Après quelques semaines de vie dans ce palais des plaisirs luxueux, j'étais en train de me reprocher la dureté de mes préjugés sur la Russie quand j'ai rendu visite à un ami dans une autre résidence. Et là, j'ai découvert l'horreur: c'était tout simplement plus laid que les sous-sols de l'UQAM.

La résidence était constituée d'un immense bloc de béton dans lequel on aurait creusé des chambres avec une cuillère a soupe géante. Partout, le béton est à nu, à peine recouvert d'une couche de peinture qui a du connaitre les arrière-grands parents de Lénine. Le froid traverse les murs aussi facilement que le son et les habitants les plus nombreux de la résidence sont petits, noirs, gluants et n'ont pas payé pour la chambre. L'ascenseur est un phénomène en soit. En effet, qui aurait cru que cinq plaques de tôle et une porte pouvaient s'élever jusqu'au 18e étage. De fait, ça ne se produit jamais. Dans une symphonie de grincement qui fait croire qu'on égorge une porcherie au complet et qui donne de l'inspiration pour des blagues de bébés morts, l'ascendeur se balade d'étage en étage selon sa personnalité propre, s'arrêtant là où on ne l'a pas demandé et passant tout droit des étages demandés. Pour couronner le tout, le passager inquiet peut, s'il en a le courage, glisser un œil par les mauvaises jointures de la tôle et admirer la vue vertigineuse de la cage d'ascenseur.
J'ai alors compris que ma résidence n'était pas la règle, mais l'exception.


Rubrique 5: le conflit Russo-géorgien
Petite rubrique un peu plus sérieuse a l'adresse de ceux qui seraient intéresses à en savoir plus sur l'affrontement (pour l'instant) diplomatique entre la Russie et la Géorgie, tel que vécu a l'intérieur de la Russie. Mise en contexte:
Comme vous le savez, le Premier Ministre géorgien Saakachvili a déclaré il y quelques mois qu'il désirait faire entrer son pays dans l'OTAN pour le faire sortir de la sphère d'influence russe. Le gouvernement russe, par représailles, a ralenti, sinon arrêté, le processus de retrait des bases militaires russes en Géorgie. Le gouvernement géorgien, par représailles, a arrêté des officiers russes et les a emprisonnés en les accusant d'espionnage. Le gouvernement russe, par représailles, a établi un blocus commercial et diplomatique avec la Géorgie. Les diplomates russes ont été évacués et la distribution de visa russe a été interrompue pour les Géorgiens.
Fin de la mise en contexte.
Ce qui est intéressant, c'est la façon dont ce conflit s'est élargie, avec l'encouragement du gouvernement, en Georgiophobie parmi la population. Ici, les restos retirent les mets géorgiens de leurs menus. La police, quant à elle, arrête quiconque a un air caucasien et, si l'individu s'avère Géorgien, l'arrête et ne le libère que contre une "caution volontaire". La police s'arrange aussi pour faire tellement de contrôles aux commerces tenus par les Géorgiens que ceux-ci se voient obligés de fermer temporairement. Les journaux disent qu'a Moscou, on expatrie les Géorgiens. La population ne semble pas réagir. Il faut dire que les journaux qui en parlent sont ceux qui sont à peu près introuvables en kiosques et que la télé est entièrement dépendante du pouvoir. Comme on dit toujours ici en conclusion à tout phénomène étrange: Eta Rassia! (C'est la Russie!)


Sur ce, je vous salue tous et je vous encourage à m'écrire de vos nouvelles, des nouvelles du pays (vous savez duquel je parle) ou des demandes de sujets à traiter. Ça fait toujours plaisir de savoir que vous êtes encore en vie.

Je vous encourage aussi à consulter le nouveau et très intéressant site du Trio de la Musaraigne Constipée, temple de toutes les théories les plus révolutionnaires: http://constipee.blogspot.com/

Allez, poka!

Guillaume
30 octobre 2006

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