lundi 29 juin 2009

Guillaume chez les sombreros, tome 1


¡Hola amigos! ¿Cómo están?

A lire la ligne qui précède, nombreux sont sans doute ceux qui se demandent comment je suis parvenu a un niveau d’espagnol si élevé. Disons le tout de go, je n’ai aucun mérite. Il s’agit simplement de l’effet conjugué de ma présence au Mexique depuis un mois et du refus borné des gens à collaborer le moindrement pour parler russe avec moi. Sous l’impitoyable soleil des tropiques, mon espagnol s’est donc liquéfié jusqu’a devenir plutôt fluide, bien que des grumeaux de russe, de français et de mots inventes subsistent encore. Par ailleurs, je tiens à préciser tout de suite, que ce message est certifie « Sans grippe porcine », de même que les photos qui l’accompagnent et le site internet qui l’abrite. Vous pouvez donc continuer la lecture en toute tranquillité d’esprit et retirer ce masque qui vous donne un air de figurant dans un film-catastrophe. Contrairement a ce que ma mère m’avait garanti, ma tendre moitie et moi n’avons pas passe notre voyage en quarantaine, mais bien en milles lieux exotiques aux noms imprononçables, a sucer des popcycles au jus de lime et des suçons au melon d’eau enrobes de chile. Ce fut un voyage riche en découvertes, tout particulièrement grâce aux gens que nous avons rencontres qui ont eu la générosité de nous montrer des coins méconnus. Ils nous ont aussi appris des trucs utiles, comme la technique pour manger des tacos sans avoir l’air d’un touriste, ainsi que des exercices de prononciation qui défient toutes les lois de la physique buccale (voir plus bas). Au terme de toutes ces aventures, Geneviève est rentrée au Québec, chargée de souvenirs, et je suis venu m’installer a Guanajuato, ou je suis actuellement et ou je resterai jusqu'à la fin d’aout pour liquéfier mon espagnol encore davantage.

La vue a partir de ma chambre, dans mon appart a Guanajuato

Rubrique 1 : La grippe porcine

Évidemment, on ne peut parler du Mexique ces temps-ci sans toucher un mot de la pandémie qui ravage supposément le pays, semant sur son passage mort, désolation et mouchoirs usages. A ce sujet, je tiens à dire… qu’il n’y a rien à dire. Non seulement aucun cadavre ne jonche les rues, mais il n’y a pas la moindre trace d’inquiétude chez les Mexicains, pas même d’une légère panique générale. Les gens vont et viennent dans les lieux publics sans se soucier aucunement d’une potentielle contamination. En fait, nous avons observe plus de personnes portant des supports en mousses pour le cou (!) que de personnes portant le fameux masque du petit chirurgien qui a tant défrayé la manchette chez nous (ce qui me porte a croire que l’épidémie de grippe porcine cache en fait une épidémie de torticolis, beaucoup plus grave). L’enquête maison que j’ai menée indique qu’aucun Mexicain ne connait qui que ce soit qui ait contracte le malicieux H1N1, qu’une bonne majorité de la population pense que l’épidémie est en fait le fruit d’une conspiration politique visant a distraire de la corruption du gouvernement, alors qu’une certaine minorité pense que les événements ont été exagérés par mesure de prudence, de même que pour distraire de la corruption du gouvernement (résultats valides avec une marge d’erreur de 3%, 1 fois sur 20). Conclusion, la grippe porcine n’est au Mexique ni une menace, ni même une préoccupation. Un autre mythe pulvérisé par le bras vengeur de la vérité!

Ah, j’allais oublier de mentionner que, de retour au Québec, Geneviève, la mascotte de ce blog, a inopinément réalisé qu’elle avait attrape la grippe porcine. Je le souligne : ce n’est pas une blague. Elle a été diagnostique à l’hôpital et tout le tralala. Si vous voulez lui apporter des oranges, ce serait bien gentil, mais vous devrez les lui lancer sur le balcon, car elle est en ce moment en quarantaine dans notre appartement et elle ne doit pas entrer en contact avec personne sous aucun prétexte. Faites vite cependant, car elle sera sur pied dans quelques jours.


Pour vous aider a vous remettre de cette nouvelle, quelques photos.

Patzcuaro


Guanajuato


Palenque


Monte Alban (remarquez le petit lezard, strategiquement place)


Mexico


Oaxaca


En chemin vers l'ile de Janitzio, puis l'ile, en personne


Rubrique 2 : les topes

Le tope (prononcer topé), chez nous, porte le nom charmant de dos d’âne, soit une protubérance de la chaussée visant à forcer les voitures à réduire leur vitesse. Je reconnais que la chose en elle-même n’est pas vraiment fascinante, ni même jolie ou agréable au gout, mais il est intéressant d’observer de quelle manière elle est utilisée au Mexique. Constatant que les Mexicains n’ont qu’une faible tendance à respecter les limites de vitesse et qu’il y a rarement des policiers disponibles pour les rappeler gentiment a l’ordre, le bon génie mexicain de la sécurité au volant, ce coquin fripon, a parsemé les routes du pays d’innombrables topes. Il ne faut donc pas s’étonner de rencontrer ces charmantes bestioles aussi bien sur les petites que sur les grandes routes, en ville comme a la campagne. Plutôt rares sur les autoroutes, les topes foisonnent dans les villages, ou on en trouve a tous les 100 mètres, ce qui donne a la conduite un caractère quelque peu saccadé.

Injustement ignore par les guides touristiques, le tope peut, a mon avis, être considéré comme une œuvre d’artisanat local, a l’instar des maracas, des hamacs et de cette magnifique tasse I♥Cancun qui trône dans le fond de votre armoire de cuisine. Selon les régions, le climat et l’humeur des élus locaux, on trouve des topes de toutes les formes et des toutes les couleurs de l’arc-en-ciel :
- des gros
- des petits
- des géants
- en béton
- en asphalte
- en métal (prennent alors la formes d’une série de demi-sphères, ce sont les plus terribles)
- des tout noirs
- des rayes jaunes
- des convexes
- des concaves
- des concaves, puis convexes (je vous ferai un dessin)
- et vice-versa
Sans mentionner que certains sont affiches, d’autres non, et que d’autres encore sont affiches mais n’existent pas. J’imagine que le tope fantôme est le plus rentable pour la municipalité : même effet, mais beaucoup moins cher question matériel et main d’œuvre.


Maintenant, quelque photos de la vie au Mexique




Ah! Qui peut arreter l'amour?


Rubrique 3 : la lucha libre
Quoi de mieux pour aider à digérer un bon taco brulant que de contempler des montagnes de muscles masquées se défouler dans un grand festin de violence simulée? Aller regarder de la lucha libre, soit la version mexicaine des spectacles de lutte amateur, constitue l’un des meilleurs moyens pour le prolétaire de satisfaire ses pulsions violentes sans déchirer son linge ou menacer la paix sociale. Mon premier contact avec le phénomène remonte à mon séjour dans Mission à San Francisco, ou je découvre les fameux masques de lutteurs multicolores (voir la première photo de Guillaume chez les surfeurs, tome 2), mais ce n’est qu’a Mexico que j’assiste à mon premier match. La lucha libre est un spectacle très ritualise et, par conséquent, plutôt répétitif. Il comprend une série de combats, en commençant par l’affrontement de pauvres cloches et en finissant par les têtes d’affiches. Chacun de ces combats commence de la même façon : une dizaine de pitounes (blanches) en bikini viennent se trémousser sur la passerelle qui mène au ring en faisant des clins d’œil coquins a la camera, qui ne se gène pas pour écraser sa lentille sur leurs glandes mammaires. Le tout est projeté dans toute son ampleur sur le grand écran qui surplombe le ring. Puis, chacun des protagonistes du combat apparait dans un nuage de boucane artificielle. Devant la camera et surtout la foule qui s’époumone, le lutteur fait saillir sa musculature et pousse des rugissements virils à faire pâmer un gorille. Il s’avance ensuite jusqu’au ring, grimpe sur les cordes et fait de grands hourras avec ses bras, invitant la foule à l’acclamer, ce qu’elle fait avec entrain lorsqu’il s’agit d’un « gentil » et avec plus de réticence pour un « méchant ». En effet, chaque combat met en scène l’affrontement d’un nombre égal de « gentils », généralement vêtus de blanc et portant des noms tels que Santo ou Mystico, et de « méchants », vêtus de noir et répondant a de doux noms tels que Mefisto.

Le programme de la soiree


Le combat, bien sur, n’en est pas vraiment un. Tous les coups sont simules, avec plus ou moins de réalisme. Certains sont assez bien faits, comme les grands sauts du haut du ring sur un lutteur déjà hors-ring, avec débordements sur les spectateurs des premières rangées, qui bondissent pour ne pas recevoir 300 livres de muscles masques sur les genoux. D’autres coups font franchement calinours, comme les coups de poing qui sonnent, ont l’air et sont des tapettes sur la poitrine. Mais le tout dégage la bonne testostérone en sante et s’apparente, dans son excès, a un spectacle burlesque muet, avec ses quiproquos (« saperlipopette, j’ai tape mon copain par erreur »), ses surprises prévisibles (« pendant que tu triomphais devant la foule, je te botte le derrière hors du ring ») et ses mimiques exagérées (« Je suis le roi du monde !» ou a l’inverse « J’ai perdu mais je me vengerai! »). Le tout ponctue de quelques pin-up qui viennent marquer la fin de chaque round en se déhanchant avec générosité et qui se font siffler par le stade au complet. On sort rassasie de tant d’énergie et, surtout, heureux : voila bien le seul endroit ou les « gentils » gagnent toujours!


A la demande generale, encore des photos

Morelia



San Miguel de Allende


Mexico

Rubrique 4 : la Saint-Jean

Le 24 juin nous sommes à Uruapan, ou nous visitons une amie de Geneviève. Quelle n’est pas notre surprise d’apprendre qu’une fête populaire est organisée pour la Saint-Jean dans l’un des quartiers de la ville. Transportes par une légitime frénésie patriotique, nous nous y précipitons. Ce qui nous y attendait n’a rien à voir avec les célébrations du parc Maisonneuve. La fête, ici, n’occupe qu’une petite rue, mais la foule y est très dense. Sous la lumière des ampoules disposées pour l’occasion, une marée humaine se meut lentement autour de quelques kiosques de chips, churros et barbes à papa géantes. Le mouvement est difficile et l’on peut compter les cotes de son voisin avec ses coudes, mais le sourire est aux lèvres de chacun. L’ambiance rappelle celle d’une foire. La présence de kiosques de jeux y contribue. Soudainement, tous les yeux se lèvent. Le castillo de fuego commence son spectacle pétaradant. Le château de feu est une grosse structure métallique bourrée de feu d’artifice. Un après l’autre, les feux sont allumes et brulent en tournant sur la structure. L’effet est joli, mais surtout très impressionnant, car le tout se déroule a seulement dix mètres des gens masses a sa base. Plus le castillo de fuego s’embrase, et plus la fumée envahit la foule et fait pleuvoir les étincelles, créant un spectacle d’une rare intensité. Les gens s’excitent et s’effraient parfois lorsque les gouttes de feu tombent trop près, mais ne peuvent quitter des yeux le grand squelette illumine. Au terme d’une orgie pyrotechnique, le spectacle culmine finalement en une apothéose de fumée, de bruit et de lumière, alors que la couronne du castillo s’enflamme et s’envole en tournant dans les airs. On la voit retomber, toujours en feu, un peu plus loin dans le quartier… La foule pousse un grand aaaaah… et soudain sursaute : des feux d’artifice éclatent maintenant directement au-dessus de nos têtes. Immenses. Magnifiques. Il pleut de la lumière. Alors qu’un rideau de fumée tombe (littéralement) sur la fête et que la foule se disperse lentement, je me dis qu’il y a quelque chose de spontané et de chaotiquement joyeux dans cette fête populaire que j’ai rarement vu au Québec, ou tout est plus organise et plus sécuritaire. Certes, un duo Éric Lapointe – Marie-Chantal Toupin sur la scène du parc Maisonneuve produit de belles étincelles, mais ce ne sont pas de celles qui brulent vraiment.

Le castillo de fuego. La photo n'en donne qu'une faible idee.


Rubrique 5 : exercice de prononciation

Voici un exercice de prononciation qui vous laissera les maxillaires pantois. Un suçon au melon d’eau enrobe de chili a celui qui parvient à le dire sans erreur ni hésitation.


El volcán de Parangaricutirimmicuaro

Se quiere desparangaricutirimizar

El que lo desparangaricutirimice

Sera un buen desparangaricutirimizador


Le volcan de Parangaricutirimicuaro existe vraiment. Nous l’avons escalade et, a vu de nez, il n’avait pas l’air de vouloir se desparangaricutirimiser.

Paysage de lave sechee aux environs du volcan de Parangaricutirimicuaro

Sur ce, je vous souhaite un bon été. Mais n’oubliez pas, il s’agit d’une saison pleine de dangers : ne plongez pas dans le pas-creux et léchez votre crème glacée de façon stratégique, sinon gare aux taches!


On se revoit en aout. Je serai le gars avec le masque de chirurgien, le bronzage de touriste et le T-shirt « Born to be Wild Guanajuato »


A plus, bande de vous-autres!


P.S. Merci a Ge, a qui revient la moitie des credits photographiques. En passant, vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir.

P.P.S. Le deficit d'accentuation de cette chronique reflete celui des claviers que j'utilise.

Touche par la grace

jeudi 7 mai 2009

Guillaume chez les Surfeurs, tome 3

Une méduse de l'aquarium de Monterey

Bonjour groupe!

Alors, les copainges, ça boume? Pouvez-vous croire que nous sommes déjà en mai? Moi, en tout cas, quand je l’ai réalisé, ça m’a fait un choc. Pensez, hier encore, j’avais 23 ans, je caressais des projets de road trip pour mon Spring break et l'horizon scintillait de milles promesses! La Californie était pour moi comme un cahier Canada au premier cours des classes.... si vierge… si ligné… mais déjà si riche des découvertes à venir! Pourtant, aujourd’hui, alors qu’il ne reste que deux semaines à la session, me voilà bien obligé d’admettre que le cahier est barbouillé d’une couverture à l’autre et qu’il sera bientôt temps de le ranger dans un tiroir. Le temps, ce sale traître, a profité d’un moment de distraction de ma part pour filer par la fenêtre des toilettes du restaurant en me laissant l’addition. Les poches vides et le cœur gros, il me faut maintenant regarder vers la suite des choses. Ce faisant, j’ai connu certaines contrariétés. J’avais prévu, voyez-vous, voyager au Mexique avec Geneviève tout le mois de juin, puis poser mon sac en quelque ville et y étudier l’espagnol jusqu’à la fin août. Évidemment, il suffisait que nous achetions les billets d’avion pour que le masque sanitaire devienne la nouvelle grande mode au Mexique. Comme les politiques de remboursement des compagnies aériennes ont la souplesse et la flexibilité d’une poutre de béton armé, nous voici forcés de choisir entre le bain de microbes et la perte pure et simple des billets. La décision n’est pas encore prise, mais, qui sait, le prochain tome de cette saga pourrait bien s’appeler « Guillaume en quarantaine ». Auquel cas je suis certain qu’on ne se bousculerait pas pour me faire la bise à mon retour.

Ceci dit, je suis toujours à San Francisco pour l’instant. Il fait beau (enfin, selon mes critères, car selon une amie australienne, on gèle) et il y a toujours quelque chose d’intéressant à faire plutôt que d’étudier. Malgré cela, l’étude va bien aussi, car les professeurs sont désespérément généreux dans leur correction et j’obtiens des notes telles que je n’en avais pas eu depuis mes cours de morale au secondaire. Des nombreuses aventures qui sont le sel et le poivre sur les patates de mon quotidien, la plus mémorable est évidemment celle du Spring break.

Photos: quelques vues de San Francisco
Vue à partir de la Coit tower (pour une tour, peut-on trouver un nom plus explicitement freudien?). À droite, au fond, le Golden Gate Bridge

Mon quartier, vu de Bernal Heights. Malheureusement, j'ai mal cadré et ma maison est deux centimètres à l'extérieur du cadre.


Rubrique 8: le Spring break
Dès le départ, mes amis et moi décidâmes de profiter du Spring break pour faire un road trip sur la côte californienne. Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agissait pas de se complaire dans le mode de vie hédonistique et spirituellement anémique (bronzer sur la plage, avoir des relations sexuelles ou les deux en même temps) dans lequel se perd la fringante jeunesse d’aujourd’hui, mais bien de compléter notre formation académique par un road trip… éducatif! (mais non crédité). Rien que du sérieux! Et nous n’avons pas perdu notre temps. Voici plusieurs des découvertes que nous avons faites lors de ce voyage :

1- louer un camping-car est beaucoup moins cher que de louer une voiture, car on s’évite les frais supplémentaires pour chaque conducteur de moins de 25 ans. En plus, on peut dormir, cuisiner, prendre sa douche et aller à la toilette sans quitter le véhicule. On peut aussi jouer au basket et au badminton, mais ce n’est pas conçu pour ça.

Le grand confort

2- un camping-car pour 6 personnes fait 29 pieds
3- un camping-car de 29 pieds, c’est long en titi. Un peu comme un paquebot, mais sans les cheminées.
Le paquebot

4- un camping-car de 29 pieds a des angles morts de cinq mètres de chaque côté.
5- quand un camping-car de 29 pieds avec des angles morts de cinq mètres de chaque côté veut changer de voie sur l’autoroute, il ne peut que s’élancer en comptant sur le pouvoir d’intimidation inhérent à son statut de véhicule de 6 tonnes. Le plus beau, c’est que ça marche.

Attention nous voilà!

6- pour faire la vidange septique du camping-car, il faut suivre une procédure très précise : ouvrir la valve noire, attendre que les grumeaux aient fini de couler, ouvrir la valve grise, laisse couler le jus moins grumeleux, fermer la valve grise, fermer la valve noire… Des heures de plaisir.

Mes amis et moi en train d'écouter le petit vidéo boboche sur la procédure de la vidange septique avant de louer le camping-car. Vraiment passionant.

7- découverte personnelle : même si on a un permis de conduire, annoncer à ses amis que l’on n’a pas conduit depuis cinq ans est le moyen le plus sûr d’être voté à l’unanimité inapte à conduire.
8- découverte personnelle : la pédale de gauche est celle pour freiner et celle de droite, pour accélérer. Étrangement, l’annonce enthousiaste de cette découverte de ma part au milieu du voyage n’a fait que confirmer mes collègues dans leur conviction que je ne devais conduire sous aucun prétexte.
9- on peut dormir sur l’un des lits du camping-car pendant que celui-ci est en mouvement, mais il faut être conscient que son sommeil dépend de la bonne volonté du conducteur, qui peut d’un coup de volant faire rouler le pauvre loir en bas du lit. Rire garanti.
10- lorsqu’on fait des randonnées sur le bord de la mer à Big Sur, il vaut mieux éviter de se cacher dans les buissons pour tenter de surprendre ses amis, car on pourrait se retrouver avec une tique, un charmant insecte qui suce le sang et dont la tête reste à l’intérieur de sa victime lorsqu’on s’énerve et qu’on arrache le corps. Tout va ensuite pour le mieux, à condition de rester zen par rapport à la présence d’une tête d’insecte dans son corps. Non, ce n’est pas à moi que c’est arrivé, je ne me cache pas dans les buissons.

Si on oublie les tiques, Big Sur est un coin magnifique.

11- Il est décidément très difficile de garer un camping-car en pleine ville. Occuper deux places de stationnement implique de payer deux parcomètres. Ça paraît évident, mais il fallait y penser.
12- Rouler en camping-car dans le traffic à Los Angeles, c’est comme faire du tricot avec des bâtons de baseball : c’est un peu encombrant.

Walk of Fame à Los Angeles

13- Le stationnement d’un Wal Mart est l’un des seuls endroits en ville (avec les épiceries 24/24 comme Safeway) où l’on peut passer gratuitement la nuit dans un camping-car. Essayer de passer la nuit ailleurs en ville, c’est risquer l’intervention de la police.
14- La nuit, le stationnement d’un Wal Mart peut sembler glauque aux premiers abords, mais on réalise bien ite qu’il s’agit en fait d’un immense terrain de jeu désert… avec des chariots d’épicerie à volonté. Il faut faire attention quand on joue avec ces petites bêtes, Elles ont des roulettes, voyez-vous.
15- Il est quelque peu inquiétant de réaliser après coup qu’il y a des caméras dans les stationnements de Wal Mart.
16- Heureusement, il semblerait que personne ne regarde ce que filment les caméras des stationnements de Wal Mart. Ou alors ceux qui les regardent sont vraiment très ouverts d’esprit.
17- On révèle immédiatement sa condition de touriste quand on est le seul sur la plage à se baigner sans wet-suit. Je veux dire, avec un maillot, mais sans wet-suit. Confirmé à Malibu, Venice beach et San Diego.
18- Santa Barbara est une ville très coquette où des oiseaux du paradis (c’est une fleur, pas une métaphore) poussent dans les plates bandes municipales et où les gens sont très tolérants. La plupart des habitants rencontrés ne se formalisaient pas qu’un touriste se promène avec un parapluie fleuri par une magnifique journée ensoleillée, ce qui fait bien plaisir au touriste en question, qui se dit que c’est la dernière fois qu’il joue à vérité/conséquence.

Santa Barbara. On ne voit pas le parapluie, car c'est moi qui prend la photo.

19- C’est chouette d’avoir un nom d’équipe. Mais quand le nom est aussi long que Happy Evil Sailors of the Fellowship of the Flying Dutchman from the Safeway Parking Lot Which Is Most Likely a Wal Mart Parking Lot, c’est difficile à scander.

Que de connaissances! En fait, nous avons appris de façon si intense qu’au retour je me suis effondré physiquement et moralement. J’ai eu une sale grippe pendant une semaine et il m’a fallu trois semaines pour retrouver vaguement le goût de m’approcher de mes travaux scolaires. Ça doit être le prix de la sagesse.

Rubrique 9 : Bay area vocabulary and Awkward Turtle
Les longues heures passées derrière un bouquet de fougères à espionner les Américains dans leur habitat naturel ont finalement porté fruit. Voici quelques traits intéressants des pratiques langagières des jeunes américains d’aujourd’hui. D’abord, un petit lexique du vocabulaire local de la Bay area (le grand San Francisco) et ensuite une petite leçon pour vous apprendre un geste très à la mode. Avec un peu de pratique et beaucoup de chance, vous parviendrez à faire croire à quelqu’un dans un bar que vous venez de Californie, à condition que la musique soit assez forte pour couvrir votre accent.

Petit lexique du vocabulaire de la Bay area
- hella : c’est LE mot local. Extrêmement répandu dans la région. Signifie very. Vient de hell of. Exemple: Gosh, this place is hella far! This movie is hella boring!
- no shit!: are you kidding?
- bomb: awesome
- the city: San Francisco. À proscrire: Frisco, SanFran, SF.
- the town: Oakland
- hell no! : no way!

The Awkward Turtle
Geste très intéressant, plutôt mignon et presque beau. Pour souligner le malaise causé par une situation, l’on place les deux mains l’une par-dessus l’autre, paume vers le bas, doigts serrés et on fait des rotations des pouces tout en reculant les mains vers soi. Le tout est censé représenté une tortue qui rentre se cacher dans son trou dans le sable. On peut aussi accompagner le geste d’un sonore « Awkard! ». Il est conseillé de faire ce geste à l’insu de la personne qui est la cause du malaise. Le geste est très populaire auprès des jeunes (surtout depuis sa sacralisation dans le film Napoleon Dynamite, à ce qu’il paraît) et absolument inconnu pour quiconque au-dessus de 25 ans. Pour une démonstration sur vidéo, tapez awkward turtle sur Youtube. J’ai découvert sur ces vidéos des versions plus avancées, mais elles ne sont vraiment pas aussi répandues que la Awkward Turtle classique.

Rubrique 10: Coups de cœur culturels
Je souhaite simplement partager avec vous deux découvertes culturelles que j’ai faites récemment. Peut-être les connaissez-vous déjà, peut-être que tout le monde les connaît déjà et que je suis encore le seul à tout ignorer de la musique anglophone, auquel cas vous pouvez faire la awkward turtle en lisant ce texte.
- Flight of the Conchords. Un duo néo-zélandais qui fait des chansons humoristiques dans absolument tous les genres de musique. Les paroles sont délirantes, la musique est accrocheuse. Ils ont aussi une émission sur HBO qui raconte leur propre vie en tant que band, tentant désespérément de percer sur la scène new-yorkaise. Deux chansons sont insérées (plus ou moins subtilement) dans chaque émission. Sur Youtube, regardez the Humans are Dead, Business Time et… toutes les autres. C’est Carlos qui m’a initié et je le tiens personnellement responsable du temps absolument excessif que j'ai passé sur Youtube lors des dernières semaines.
- The Dead Milkmen. Un groupe punk-rock américain qui fait des chansons satiriques qui dénoncent les conservateurs et l’Amérique profonde en général. La citation du jour, que vous pourrez utilisez lors de votre prochain débat politique :
They're just right wing pigeons from outer space
Sent here to destroy the human race
They don't give a damn about you or me
They just buy guns and watch TV!

En parlant de conservateurs. Je suis allé avec un ami dans une banlieue conservatrice de San Francisco, par curiosité. Je n'ai pas trouvé les affiches I love Jesus que je cherchais, mais j'ai trouvé cette voiture bariolée de collants plutôt réac. Je transcris, car ce n'est peut-être pas facile à lire.
- Impeach Obama
- If Obama is the answer, it must have been a stupid question

- No Obama. No experience, no presidency

- Beat Obama? Yes we can!

- Liberalism. Abandon the search for truth; settle for a good fantasy

- I support our troops



Photos: Yosemite, où j'ai été avec mes parents. C'était un peu brumeux, mais ça contribuait au charme.




Photos: le brouillard à San Francisco
Le brouillard vu du dessous

Le brouillard vu du dessus


Voilà qui conclut ce troisième et dernier tome de Guillaume chez les Surfeurs. Je vous laisse, maintenant, j'ai un s'more sur le feu.

À peluche!

Guillaume

P.S. On m'a signalé que les commentaires enregistrés sur ce site n'apparaissaient pas. Effectivement, j'ai réalisé que seuls les membres inscrits à blogspot pouvaient laisser des commentaires. J'ai modifié les paramètres et ils sont maintenant ouverts à tous. La démocratie triomphe une fois de plus!

vendredi 20 mars 2009

Guillaume chez les Surfeurs, tome 2


Bonjour à tous!

N’entendez vous pas ce grondement sourd émaner des entrailles de la terre? Tremblez, pauvres mortels, car c’est la clameur martiale de la marche du printemps, l’incessante pétarade des bourgeons qui éclatent de toute part, comme un troupeau de mouton lâché lousse dans un champ de mines! C’est le lourd murmure de l’immense vague de pétales multicolores qui s’apprête à déferler sur nos contrées nordiques au climat pop-cyclesque! Toute résistance est inutile. Il faut s’y résoudre, l’hiver n’est plus, et déjà le soleil pose ses lourdes fesses dorées sur notre visage.


Évidemment, à San Francisco, la victoire du printemps sur l’hiver n’a pas comme à Montréal la soudaineté et la brutalité d’un coup d’état sud-américain, mais prend plutôt des airs d’état de siège. Déjà en janvier les fleurs occupent des avant-postes stratégiques dans les arbres et, depuis une semaine, un magnolia fait le guet devant ma porte.

Le magnolia en question. Enfin, je crois que c'est un magnolia.


Mais voici maintenant que le printemps se lance à l’assaut du monde scolaire: la semaine prochaine, c’est le Spring Break! À la seule mention de ces doux mots, qui, avouons-le, sont un poème en soi, l’étudiant perd tout ses moyens, rougit, s’excite, frétille comme un éperlan égaré sur la plage et se met à vous raconter le menu détail de ses plans de voyage. En effet, il n’est même pas question ici de faire un semblant de « semaine de lecture », mais bien de vidanger son cerveau de toute pensée le moindrement académique pour aller se griller le nombril en quelque destination exotique. Les Américains, me suis-je laissé dire, aiment migrer en meutes compactes jusqu’à Cancun, où ils font patauger leurs hormones dans des margaritas et entreprennent de se reproduire comme des lapins. Ce genre d’escapade éducative semble cependant moins populaire cette année auprès de la fringante jeunesse américaine qui, selon ma propre enquête, s’apprête à rester chez elle, travailler un peu et se reposer en regardant des sitcoms d’hôpital sur le sofa pendant tout l’après-midi. Les étudiants étrangers, quant à eux, planifient pour la plupart d’ambitieux voyages dont l’objectif avoué est de TOUT voir en une semaine. De la même manière que le Québécois type qui va en Europe visite 24 capitales en 4 jours (certains se reconnaissent?), que le Français standard qui débarque au Québec se tape la diagonale Tadoussac-Québec-Montréal-Toronto-Niagara sans reprendre son souffle, l’étudiant étranger typique à San Francisco veut voir Los Angeles, San Diego, Las Vegas, le Grand Canyon et, pourquoi pas, New-York, Miami et Montréal! Les plus raisonnables, dont votre humble serviteur, se contentent de la Californie. Avec quelques amis, nous avons élaboré un plan aussi simple que magnifique. Nous sommes six, nous louons un camping-car et nous descendons la côte jusqu’à San Diego, où nous prenons l’avion pour le retour. Je voulais peindre des fleurs sur le camping-car, écrire MY CAR LOVES YOURS en grosse lettres roses dégoulinantes sur le capot et dessiner des yeux avec de longs cils sur les phares, mais j’ai encore un peu de travail à faire pour convaincre les autres du bienfondé de mon initiative. À part ça, nous n’avons rien réservé à part le camping-car, alors disons qu’il y aura place à l’improvisation. De nombreuses aventures en perspectives. Et en fait, c’est ce qui m’amène à écrire aujourd’hui. Je me suis dit que mieux vaut faire le bilan de mes récentes observations supra-scientifiques sur la vie à San Francisco avant qu’elles ne soient cognitivement et chimiquement supplantées par les aventures du road trip. Alors, sans plus tarder…



Rubrique 4 : S’more

Expérience culturelle des plus intenses, le s’more. Derrière ce joli petit mot qui n’a l’air de rien sauf d’une faute d’orthographe se cache l’un des sommets de la gastronomie américaine. Bien qu’aucune loi n’en réglemente la consommation, il est d’usage de manger des s’mores dans un contexte très particulier, soit dans les chaleureux alentours d’un feu de camp. Que le feu soit en forêt, sur la plage, sur une barricade ou dans un tas de pneus, la seule règle qui compte pour réussir un s’more est d’en réunir tous les ingrédients. Cette condition remplie, il est à peu près impossible d’en rater la préparation. À l’inverse, l’oubli d’un seul ingrédient conduit inévitablement à l’échec et précipite le responsable dans l’abysse insondable de l’opprobre sociale. À l’instar de la poutine et du pâté chinois, autre monuments de la gastronomie universelle, tout le génie du s’more repose sur l’équilibre sacré de sa trinité d’ingrédients, qui sont

- la guimauve

- la barre de chocolat (10% de cacao maximum)

- le biscuit Graham

J’ai été initié aux délices raffinées du s’more lors d’une cérémonie ultra-secrète et vaguement sectaire tenues par quelques Américains haut placés dans le milieu très jet-set des résidences universitaires. La cérémonie avait lieu sur la plage et l’atmosphère était à la fois inquiétante et électrisante. Sur ma gauche, l’océan ronflait doucement. Sur ma droite, les palmiers s’ébrouaient lentement dans le vent marin. Devant moi, le feu crépitait sur le sable et crachait des étincelles vers les étoiles et vers mon chandail, câline. Dans mes mains, un ti-bout de bois avec lequel je tentais vainement de dorer une guimauve. Moment d’émotion. Les secondes passaient comme des siècles. Je savourais l’éternité de cet instant magique, alors que je sentais tout mon être fusionner culturellement avec l’Amérique à travers mon bâton, ma guimauve et ce mot qui raisonnait dans ma tête comme une incantation : sssssss’mooOOore! Je nourrissais pourtant une certaine appréhension, et avec raison, car je réalisai soudain que ma guimauve avait profitée de ce moment de réflexion de ma part pour brûler jusqu’à la moelle. Par milles mouvements rapides et agiles qui passèrent très proche de projeter la guimauve enflammée dans l’océan ou dans les cheveux de mes amis, je parvins à l’éteindre. Lorsque mes initiateurs résussirent à me calmer, ils m’indiquèrent comment passer à l’étape suivante du rituel. Sur mes paumes ouvertes, offertes, ils posèrent un biscuit Graham. « Voila le corps du s’more » me dit-on. Délicatement je le cassai de façon à obtenir deux morceaux vaguement symétriques. On me donna ensuite un morceau de tablette de chocolat. « Voici le sang du s’more ». Obéissant toujours à la voix envoûtante de mes initiateurs, je déposais le chocolat entre les deux biscuits. Finalement, je procédai à la manœuvre ultime, probablement la plus délicate. Je saisi la guimauve en sandwich entre les deux biscuits (et le chocolat, vous me suivez?), puis d’un geste leste je retirai le bâton, qui ne fait pas partie de la recette. Le résultat ressemble à peu près à ça.


Il ne reste ensuite qu’à déguster. Quelle expérience pour les papilles, qui, en un instant, travaillent plus qu’il n’en faut dans toute une carrière pour réclamer légitimement la retraite anticipée. L’adition du sucre de la guimauve au sucre du chocolat et au sucre des biscuits (le tout généralement agrémenté d’une boisson pétillante sucrée) produit un cocktail diététique assez puissant pour tuer un diabétique à 40 mètres dans un couloir. Au terme de l’ingestion du s’more, je me sentis devenir plus américain. Enivré par ce sentiment nouveau, j’en mangeai quatre autres. J’ai eu mal au ventre par la suite.





Au défilé de la Saint-Patrick





Lignes courbes, lignes droites


Rubrique 5 : l’université

À la fin du premier tome de cette saga exotique, je vous enjoignais de me suggérer des sujets pour mes futures rubriques. Parmi vos suggestions, celle qui revient le plus souvent concerne la vie universitaire, ses joies, ses peines, ses espoirs, ses déceptions, ses illusions brisées, ses petits plaisirs, ses rêves détruits, etc. Voilà un sujet intéressant et, disons-le, très vaste. Allons-y en sous-rubriques pour alléger le texte.


- l’université et sa clientèle

J’étudie à la San Francisco State University (SFSU), une université publique qui fait partie d’un gigantesque consortium poétiquement dénommé CSU (California State University), qui compte une vingtaine de campus, ce qui en fait le plus grand au pays, et qui, soit dit en passant, a servi de modèle lors de la création du réseau des Universités du Québec. Contrairement à UCSF ou UCLA, qui sont aussi des universités publiques, mon université n’est pas très réputée, si ce n’est dans certains programmes précis, du genre cinéma et « études ethniques ». En fait, c’est quelque chose comme l’UQAM de San Francisco. D’ailleurs, comme à l’UQAM, la majorité des étudiants ne viennent pas de la ville elle-même, mais des alentours, en particulier de Sacramento et de Los Angeles.

La clientèle de l’université est très ethniquement diversifiée, ce qui m’a grandement déçu. En effet, moi qui suis arrivé avec l’espoir de bénéficier de l’auréole de l’exotisme, de séduire tous mes camarades de classe avec mon accent charmant et mes origines mystérieuses, eh bien c’est raté. Je ne suis pas très original dans une classe où la majorité des étudiants n’a pas l’anglais comme langue maternelle. On est bien loin de la Russie, où le seul fait d’être un étranger et de parler russe garantissait de se faire regarder comme un extra‑terrestre.


- la charge de travail

De manière générale, les cours sont plus faciles que chez nous. Tout d’abord, parce que davantage de points sont accordés pour des trucs comme la participation en classe (jusqu’à 15%). Ensuite, parce que les travaux exigés sont moins nombreux et moins longs (de 6 à 10 pages, selon le cours). De plus, la matière vue en classe est plutôt réduite, selon moi. Je prends rarement plus de trois pages de notes par cours en comprenant les petits dessins dont j’agrémente les marges de mon cahier. Il faut croire que la matière est dans les lectures, car celles-ci sont TRÈS abondantes. Pour être plus exact, la principale différence d’avec le Québec ne réside pas dans le volume total des lectures, mais dans le fait que les professeurs s’attendent vraiment à ce que l’on les lise toutes. Pour s’en assurer, ils tiennent des discussions à chaque cours sur les lectures, font des quiz-surprise ou, dans certains cas, font passer des tests sur les lectures avant chaque cours. De manière générale, il se dégage de tous ces efforts comme une impression d’être continuellement pris par la main et d’être bassement encouragé à coup de 1% à être un bon étudiant qui travaille de manière régulière. À mon avis, ce système est tout simplement odieux, car il brime le droit inaliénable de l’étudiant à la légitime procrastination. Que fait Amnistie internationale?

La vie est dure sur le campus



-les interventions stupides en classe

Source intarissable de découragement, de regards perdus par la fenêtre, de soupirs profonds et d’art naïf dans les cahiers de note, les innombrables interventions des étudiants américains constituent, à l’instar des pannes de métro à Montréal, un phénomène pénible et malheureusement récurrent. Dans les classes américaines, il ne semble pas exister des critères tels que la pertinence ou l’intelligence qui permettraient à un élève de réaliser que son commentaire est stupide et, par conséquent, qu’il vaudrait mieux pour tout le monde qu’il le laisse bien caché dans le petit jardin secret de sa conscience, ou, à la limite, qui permettrait au professeur d’aider l’élève à le réaliser. Aux États-Unis, pays de la liberté individuelle, il semble que l’important soit de s’exprimer, peu importe si cela comporte un atome de pertinence ou l’ombre d’un quelconque intérêt. Les cours sont donc monotonement ponctués de questions complètement hors-sujet, de commentaires personnels ou, mieux encore, de tranches de vie, le tout délivré avec ou sans main levée. D’où vient ce comportement? Le premier réflexe est évidemment de conclure que les Américains sont cons comme la lune. Hypothèse séduisante, mais que l’on rejette dès lors qu’on réalise que ce comportement est en fait provoqué par les professeurs. En effet, l’intervention d’un élève en classe est presque systématiquement suivie d’un fort renforcement positif de la part du professeur, qui félicite l’élève et, sans ironie aucune, invite les étudiants à l’interrompre n’importe quand pour formuler des commentaires sur la matière du cours. Faut-il y voir un choix pédagogique destiné à favoriser l’expression personnelle des élèves? Une manœuvre cynique pour réduire le contenu du cours (et du même coup, la préparation nécessaire)? La question reste ouverte. Quant à moi, je prends mon mal en patience et, discrètement, je me plonge dans l’examen approfondi de l’intérieur de mes paupières.


- La bouffe à l’université

À ma connaissance, il n’y a que trois micro-ondes pour une université de 30 000 étudiants. Ça en dit long sur la propension des Américains à se préparer des lunchs plutôt que de s’acheter à manger. Et j’ai vérifié, il n’y a pas 10 000 étudiants en file devant chaque micro-onde.




Excursion à vélo




Rubrique 6: Le Triomphe de la Patrie

Vous dont le naguère vigoureux patriotisme patauge aujourd’hui dans le marasme glauque et fangeux de notre époque post-référendaire, post-commandites, post-Dumont et pré-rien-du-tout, voici des nouvelles qui sauront redonner à votre fierté nationale le lustre de ses jeunes années! Le 18 février dernier a eu lieu la foire des études internationales (Study Abroad Fair) à l’université. Les étudiants étrangers étaient invités à organiser la table représentant leur pays d’origine dans le but d’informer les Américains de l’existence du Monde et, plus spécifiquement, de les inciter à étudier à l’étranger. Afin, d’encourager les étudiants étrangers à s’investir quelque peu dans la préparation de cet événement, l’administration de l’université décerne un prix pour la meilleure table, pour le meilleur pays. Ceux qui me connaissent devinent déjà la suite, mais qu’ils cessent de ricaner! Si je me suis investi corps et âme pour gagner ce concours, cela n’a aucun rapport avec ma compétitivité naturelle, mais tout à voir avec la fierté que j’avais de représenter le CÂNÂDÂ, le plus meilleur pays du monde! Le seul problème, c’est que contrairement à la France ou à la Corée, qui comptent ici une trentaine de représentants, le Canada, ce magnifique pays multiculturel, ne comptait comme représentant que mon moi-même, ce qui n’est pas peu, mais ce qui n’est pas beaucoup non plus. Mais baste, il en aurait fallu bien plus pour freiner mes élans patriotiques! Je recrutai deux Américains (qui vont étudier chez nous l’an prochain), je convertis une Française et le tour était joué. Par ailleurs, le fait d’être le seul représentant du Canada me garantissait une certaine liberté dans l’organisation, ce dont je profitai pour décider unilatéralement que ce serait la table Canada-Québec. Je n’entrerai pas dans les détails de la préparation, mais disons que j’ai mis le paquet : 71 crêpes au sirop (après les avoir toutes préparées, j’ai compris ce que Marx veut dire par aliénation au travail; je voyais des crêpes danser devant moi quand je fermais les yeux), des costumes de bûcheron, une tente, de la musique québécoise, un jeu Trouve-le-Québec-sur-la-carte-du-monde- et-gagne-une-crêpe (les yeux bandés c’est plus drôle) et, surtout, un spectacle. Pour gagner des points bonis et pour élargir les horizons culturels des Américains, j’ai chanté I want to pogne sur la scène en face de l’entrée principale de l’université, accompagné à la guitare par Daniel, un ami américain. Le public n’a pas très bien compris les paroles, mais il a compris le langage universel de deux bûcherons qui se trémoussent sur une scène en chantant comme des cochons. Et ces efforts n’ont pas été vains : la table Canada-Québec a gagné le prix de la meilleur table. Et quand ils m’ont demandé ce que je voulais qu’on écrive sur le trophée, j’ai dit « Québec », tout court. Riez, riez, mais si on se fie au nombre de crêpes qui restaient à la fin de la journée, il y a maintenant au moins 65 Américains de plus qui savent où est le Québec sur la carte du monde.

Je crois que c'est la fausse barbe qui a fait toute la différence.




Rubrique 7 : la grève

Quand on est loin de l’UQAM, on s’ennuie toujours un peu de la grève. Pour retrouver ce sentiment unique, on chante des slogans sous la douche, on fait des sit-in chez nos parents et des love-in chez notre blonde, mais ce n’est jamais vraiment pareil. Quel ne fut donc pas mon enthousiasme lorsque j’appris qu’il y en aurait une à mon université. Quelle expérience intéressante que d’assister à une grève étudiante à l’étranger! Elle devait durer une journée et comprenait une manif. La cause : protester contre les coupes en éducation en Californie. Voici une courte mise en contexte. L’État de Californie fait en ce moment face à une très grave crise budgétaire. Pour y mettre fin, le gouverneur Schwarzenegger a résolu de couper massivement en éducation, ce qui a d’ailleurs un effet direct sur le nombre de cours offert cette session à mon université. Comme ils disent en anglais : déjà-vu. Les cours sont si surpeuplés que de nombreux élèves ne peuvent même pas suivre les cours dont ils ont besoin dans le cadre de leur programme. Bref, grève.

Finalement, il n’y a pas grand-chose à dire sur la manif, qui était très semblable à ce que j’ai vu au Québec. J’ai toutefois été étonné de remarquer que le vocabulaire ouvertement marxiste (bourgeoisie, capitalisme) était plus présent que chez nous.





Pour votre curiosité, j’ai toutefois pris en note tous les slogans qui ont été scandés lors de la manif. Certains sont classiques, d’autres plus originaux.

- No cuts, no fees,

Education should be free!

- Whose street?

Our street!

- C.C., SF State, shut it down like 68! (C.C.= City College, SF State = San Francisco State University. En 68, le mouvement étudiant a occupé les deux établissements et a obtenu la création du College of Ethnic Studies, le seul aux Etats-Unis).

- Ain’t no power like the power of the people, cause the power of the people don’t stop!

Say what? (mon préféré, se dit très rapidement à la manière un peu rap et ensuite la foule répond. Je vous en ferai une démonstration à mon retour)

- What do we want?

Education!

When do we want it?

Now!

- Money for job and education, not for war and occupation!

- Education’s under attack! What do we do?

Stand up, fight back!

- The city (bis) belongs to us,

Stop (bis) the budget cuts!

- Cut the bullshit, not the budget!

- Education should be free

Bail out the student, not the bourgeoisie!


C’est déjà tout pour aujourd’hui. Je remercie sincèrement tous ceux qui m’ont écrit en réponse au dernier tome. J’apprécie les commentaires, les nouvelles de chez nous et les suggestions de rubrique que l’on m’envoie.


Portez vous bien.


Guillaume




Un message plein de sagesse