vendredi 20 mars 2009

Guillaume chez les Surfeurs, tome 2


Bonjour à tous!

N’entendez vous pas ce grondement sourd émaner des entrailles de la terre? Tremblez, pauvres mortels, car c’est la clameur martiale de la marche du printemps, l’incessante pétarade des bourgeons qui éclatent de toute part, comme un troupeau de mouton lâché lousse dans un champ de mines! C’est le lourd murmure de l’immense vague de pétales multicolores qui s’apprête à déferler sur nos contrées nordiques au climat pop-cyclesque! Toute résistance est inutile. Il faut s’y résoudre, l’hiver n’est plus, et déjà le soleil pose ses lourdes fesses dorées sur notre visage.


Évidemment, à San Francisco, la victoire du printemps sur l’hiver n’a pas comme à Montréal la soudaineté et la brutalité d’un coup d’état sud-américain, mais prend plutôt des airs d’état de siège. Déjà en janvier les fleurs occupent des avant-postes stratégiques dans les arbres et, depuis une semaine, un magnolia fait le guet devant ma porte.

Le magnolia en question. Enfin, je crois que c'est un magnolia.


Mais voici maintenant que le printemps se lance à l’assaut du monde scolaire: la semaine prochaine, c’est le Spring Break! À la seule mention de ces doux mots, qui, avouons-le, sont un poème en soi, l’étudiant perd tout ses moyens, rougit, s’excite, frétille comme un éperlan égaré sur la plage et se met à vous raconter le menu détail de ses plans de voyage. En effet, il n’est même pas question ici de faire un semblant de « semaine de lecture », mais bien de vidanger son cerveau de toute pensée le moindrement académique pour aller se griller le nombril en quelque destination exotique. Les Américains, me suis-je laissé dire, aiment migrer en meutes compactes jusqu’à Cancun, où ils font patauger leurs hormones dans des margaritas et entreprennent de se reproduire comme des lapins. Ce genre d’escapade éducative semble cependant moins populaire cette année auprès de la fringante jeunesse américaine qui, selon ma propre enquête, s’apprête à rester chez elle, travailler un peu et se reposer en regardant des sitcoms d’hôpital sur le sofa pendant tout l’après-midi. Les étudiants étrangers, quant à eux, planifient pour la plupart d’ambitieux voyages dont l’objectif avoué est de TOUT voir en une semaine. De la même manière que le Québécois type qui va en Europe visite 24 capitales en 4 jours (certains se reconnaissent?), que le Français standard qui débarque au Québec se tape la diagonale Tadoussac-Québec-Montréal-Toronto-Niagara sans reprendre son souffle, l’étudiant étranger typique à San Francisco veut voir Los Angeles, San Diego, Las Vegas, le Grand Canyon et, pourquoi pas, New-York, Miami et Montréal! Les plus raisonnables, dont votre humble serviteur, se contentent de la Californie. Avec quelques amis, nous avons élaboré un plan aussi simple que magnifique. Nous sommes six, nous louons un camping-car et nous descendons la côte jusqu’à San Diego, où nous prenons l’avion pour le retour. Je voulais peindre des fleurs sur le camping-car, écrire MY CAR LOVES YOURS en grosse lettres roses dégoulinantes sur le capot et dessiner des yeux avec de longs cils sur les phares, mais j’ai encore un peu de travail à faire pour convaincre les autres du bienfondé de mon initiative. À part ça, nous n’avons rien réservé à part le camping-car, alors disons qu’il y aura place à l’improvisation. De nombreuses aventures en perspectives. Et en fait, c’est ce qui m’amène à écrire aujourd’hui. Je me suis dit que mieux vaut faire le bilan de mes récentes observations supra-scientifiques sur la vie à San Francisco avant qu’elles ne soient cognitivement et chimiquement supplantées par les aventures du road trip. Alors, sans plus tarder…



Rubrique 4 : S’more

Expérience culturelle des plus intenses, le s’more. Derrière ce joli petit mot qui n’a l’air de rien sauf d’une faute d’orthographe se cache l’un des sommets de la gastronomie américaine. Bien qu’aucune loi n’en réglemente la consommation, il est d’usage de manger des s’mores dans un contexte très particulier, soit dans les chaleureux alentours d’un feu de camp. Que le feu soit en forêt, sur la plage, sur une barricade ou dans un tas de pneus, la seule règle qui compte pour réussir un s’more est d’en réunir tous les ingrédients. Cette condition remplie, il est à peu près impossible d’en rater la préparation. À l’inverse, l’oubli d’un seul ingrédient conduit inévitablement à l’échec et précipite le responsable dans l’abysse insondable de l’opprobre sociale. À l’instar de la poutine et du pâté chinois, autre monuments de la gastronomie universelle, tout le génie du s’more repose sur l’équilibre sacré de sa trinité d’ingrédients, qui sont

- la guimauve

- la barre de chocolat (10% de cacao maximum)

- le biscuit Graham

J’ai été initié aux délices raffinées du s’more lors d’une cérémonie ultra-secrète et vaguement sectaire tenues par quelques Américains haut placés dans le milieu très jet-set des résidences universitaires. La cérémonie avait lieu sur la plage et l’atmosphère était à la fois inquiétante et électrisante. Sur ma gauche, l’océan ronflait doucement. Sur ma droite, les palmiers s’ébrouaient lentement dans le vent marin. Devant moi, le feu crépitait sur le sable et crachait des étincelles vers les étoiles et vers mon chandail, câline. Dans mes mains, un ti-bout de bois avec lequel je tentais vainement de dorer une guimauve. Moment d’émotion. Les secondes passaient comme des siècles. Je savourais l’éternité de cet instant magique, alors que je sentais tout mon être fusionner culturellement avec l’Amérique à travers mon bâton, ma guimauve et ce mot qui raisonnait dans ma tête comme une incantation : sssssss’mooOOore! Je nourrissais pourtant une certaine appréhension, et avec raison, car je réalisai soudain que ma guimauve avait profitée de ce moment de réflexion de ma part pour brûler jusqu’à la moelle. Par milles mouvements rapides et agiles qui passèrent très proche de projeter la guimauve enflammée dans l’océan ou dans les cheveux de mes amis, je parvins à l’éteindre. Lorsque mes initiateurs résussirent à me calmer, ils m’indiquèrent comment passer à l’étape suivante du rituel. Sur mes paumes ouvertes, offertes, ils posèrent un biscuit Graham. « Voila le corps du s’more » me dit-on. Délicatement je le cassai de façon à obtenir deux morceaux vaguement symétriques. On me donna ensuite un morceau de tablette de chocolat. « Voici le sang du s’more ». Obéissant toujours à la voix envoûtante de mes initiateurs, je déposais le chocolat entre les deux biscuits. Finalement, je procédai à la manœuvre ultime, probablement la plus délicate. Je saisi la guimauve en sandwich entre les deux biscuits (et le chocolat, vous me suivez?), puis d’un geste leste je retirai le bâton, qui ne fait pas partie de la recette. Le résultat ressemble à peu près à ça.


Il ne reste ensuite qu’à déguster. Quelle expérience pour les papilles, qui, en un instant, travaillent plus qu’il n’en faut dans toute une carrière pour réclamer légitimement la retraite anticipée. L’adition du sucre de la guimauve au sucre du chocolat et au sucre des biscuits (le tout généralement agrémenté d’une boisson pétillante sucrée) produit un cocktail diététique assez puissant pour tuer un diabétique à 40 mètres dans un couloir. Au terme de l’ingestion du s’more, je me sentis devenir plus américain. Enivré par ce sentiment nouveau, j’en mangeai quatre autres. J’ai eu mal au ventre par la suite.





Au défilé de la Saint-Patrick





Lignes courbes, lignes droites


Rubrique 5 : l’université

À la fin du premier tome de cette saga exotique, je vous enjoignais de me suggérer des sujets pour mes futures rubriques. Parmi vos suggestions, celle qui revient le plus souvent concerne la vie universitaire, ses joies, ses peines, ses espoirs, ses déceptions, ses illusions brisées, ses petits plaisirs, ses rêves détruits, etc. Voilà un sujet intéressant et, disons-le, très vaste. Allons-y en sous-rubriques pour alléger le texte.


- l’université et sa clientèle

J’étudie à la San Francisco State University (SFSU), une université publique qui fait partie d’un gigantesque consortium poétiquement dénommé CSU (California State University), qui compte une vingtaine de campus, ce qui en fait le plus grand au pays, et qui, soit dit en passant, a servi de modèle lors de la création du réseau des Universités du Québec. Contrairement à UCSF ou UCLA, qui sont aussi des universités publiques, mon université n’est pas très réputée, si ce n’est dans certains programmes précis, du genre cinéma et « études ethniques ». En fait, c’est quelque chose comme l’UQAM de San Francisco. D’ailleurs, comme à l’UQAM, la majorité des étudiants ne viennent pas de la ville elle-même, mais des alentours, en particulier de Sacramento et de Los Angeles.

La clientèle de l’université est très ethniquement diversifiée, ce qui m’a grandement déçu. En effet, moi qui suis arrivé avec l’espoir de bénéficier de l’auréole de l’exotisme, de séduire tous mes camarades de classe avec mon accent charmant et mes origines mystérieuses, eh bien c’est raté. Je ne suis pas très original dans une classe où la majorité des étudiants n’a pas l’anglais comme langue maternelle. On est bien loin de la Russie, où le seul fait d’être un étranger et de parler russe garantissait de se faire regarder comme un extra‑terrestre.


- la charge de travail

De manière générale, les cours sont plus faciles que chez nous. Tout d’abord, parce que davantage de points sont accordés pour des trucs comme la participation en classe (jusqu’à 15%). Ensuite, parce que les travaux exigés sont moins nombreux et moins longs (de 6 à 10 pages, selon le cours). De plus, la matière vue en classe est plutôt réduite, selon moi. Je prends rarement plus de trois pages de notes par cours en comprenant les petits dessins dont j’agrémente les marges de mon cahier. Il faut croire que la matière est dans les lectures, car celles-ci sont TRÈS abondantes. Pour être plus exact, la principale différence d’avec le Québec ne réside pas dans le volume total des lectures, mais dans le fait que les professeurs s’attendent vraiment à ce que l’on les lise toutes. Pour s’en assurer, ils tiennent des discussions à chaque cours sur les lectures, font des quiz-surprise ou, dans certains cas, font passer des tests sur les lectures avant chaque cours. De manière générale, il se dégage de tous ces efforts comme une impression d’être continuellement pris par la main et d’être bassement encouragé à coup de 1% à être un bon étudiant qui travaille de manière régulière. À mon avis, ce système est tout simplement odieux, car il brime le droit inaliénable de l’étudiant à la légitime procrastination. Que fait Amnistie internationale?

La vie est dure sur le campus



-les interventions stupides en classe

Source intarissable de découragement, de regards perdus par la fenêtre, de soupirs profonds et d’art naïf dans les cahiers de note, les innombrables interventions des étudiants américains constituent, à l’instar des pannes de métro à Montréal, un phénomène pénible et malheureusement récurrent. Dans les classes américaines, il ne semble pas exister des critères tels que la pertinence ou l’intelligence qui permettraient à un élève de réaliser que son commentaire est stupide et, par conséquent, qu’il vaudrait mieux pour tout le monde qu’il le laisse bien caché dans le petit jardin secret de sa conscience, ou, à la limite, qui permettrait au professeur d’aider l’élève à le réaliser. Aux États-Unis, pays de la liberté individuelle, il semble que l’important soit de s’exprimer, peu importe si cela comporte un atome de pertinence ou l’ombre d’un quelconque intérêt. Les cours sont donc monotonement ponctués de questions complètement hors-sujet, de commentaires personnels ou, mieux encore, de tranches de vie, le tout délivré avec ou sans main levée. D’où vient ce comportement? Le premier réflexe est évidemment de conclure que les Américains sont cons comme la lune. Hypothèse séduisante, mais que l’on rejette dès lors qu’on réalise que ce comportement est en fait provoqué par les professeurs. En effet, l’intervention d’un élève en classe est presque systématiquement suivie d’un fort renforcement positif de la part du professeur, qui félicite l’élève et, sans ironie aucune, invite les étudiants à l’interrompre n’importe quand pour formuler des commentaires sur la matière du cours. Faut-il y voir un choix pédagogique destiné à favoriser l’expression personnelle des élèves? Une manœuvre cynique pour réduire le contenu du cours (et du même coup, la préparation nécessaire)? La question reste ouverte. Quant à moi, je prends mon mal en patience et, discrètement, je me plonge dans l’examen approfondi de l’intérieur de mes paupières.


- La bouffe à l’université

À ma connaissance, il n’y a que trois micro-ondes pour une université de 30 000 étudiants. Ça en dit long sur la propension des Américains à se préparer des lunchs plutôt que de s’acheter à manger. Et j’ai vérifié, il n’y a pas 10 000 étudiants en file devant chaque micro-onde.




Excursion à vélo




Rubrique 6: Le Triomphe de la Patrie

Vous dont le naguère vigoureux patriotisme patauge aujourd’hui dans le marasme glauque et fangeux de notre époque post-référendaire, post-commandites, post-Dumont et pré-rien-du-tout, voici des nouvelles qui sauront redonner à votre fierté nationale le lustre de ses jeunes années! Le 18 février dernier a eu lieu la foire des études internationales (Study Abroad Fair) à l’université. Les étudiants étrangers étaient invités à organiser la table représentant leur pays d’origine dans le but d’informer les Américains de l’existence du Monde et, plus spécifiquement, de les inciter à étudier à l’étranger. Afin, d’encourager les étudiants étrangers à s’investir quelque peu dans la préparation de cet événement, l’administration de l’université décerne un prix pour la meilleure table, pour le meilleur pays. Ceux qui me connaissent devinent déjà la suite, mais qu’ils cessent de ricaner! Si je me suis investi corps et âme pour gagner ce concours, cela n’a aucun rapport avec ma compétitivité naturelle, mais tout à voir avec la fierté que j’avais de représenter le CÂNÂDÂ, le plus meilleur pays du monde! Le seul problème, c’est que contrairement à la France ou à la Corée, qui comptent ici une trentaine de représentants, le Canada, ce magnifique pays multiculturel, ne comptait comme représentant que mon moi-même, ce qui n’est pas peu, mais ce qui n’est pas beaucoup non plus. Mais baste, il en aurait fallu bien plus pour freiner mes élans patriotiques! Je recrutai deux Américains (qui vont étudier chez nous l’an prochain), je convertis une Française et le tour était joué. Par ailleurs, le fait d’être le seul représentant du Canada me garantissait une certaine liberté dans l’organisation, ce dont je profitai pour décider unilatéralement que ce serait la table Canada-Québec. Je n’entrerai pas dans les détails de la préparation, mais disons que j’ai mis le paquet : 71 crêpes au sirop (après les avoir toutes préparées, j’ai compris ce que Marx veut dire par aliénation au travail; je voyais des crêpes danser devant moi quand je fermais les yeux), des costumes de bûcheron, une tente, de la musique québécoise, un jeu Trouve-le-Québec-sur-la-carte-du-monde- et-gagne-une-crêpe (les yeux bandés c’est plus drôle) et, surtout, un spectacle. Pour gagner des points bonis et pour élargir les horizons culturels des Américains, j’ai chanté I want to pogne sur la scène en face de l’entrée principale de l’université, accompagné à la guitare par Daniel, un ami américain. Le public n’a pas très bien compris les paroles, mais il a compris le langage universel de deux bûcherons qui se trémoussent sur une scène en chantant comme des cochons. Et ces efforts n’ont pas été vains : la table Canada-Québec a gagné le prix de la meilleur table. Et quand ils m’ont demandé ce que je voulais qu’on écrive sur le trophée, j’ai dit « Québec », tout court. Riez, riez, mais si on se fie au nombre de crêpes qui restaient à la fin de la journée, il y a maintenant au moins 65 Américains de plus qui savent où est le Québec sur la carte du monde.

Je crois que c'est la fausse barbe qui a fait toute la différence.




Rubrique 7 : la grève

Quand on est loin de l’UQAM, on s’ennuie toujours un peu de la grève. Pour retrouver ce sentiment unique, on chante des slogans sous la douche, on fait des sit-in chez nos parents et des love-in chez notre blonde, mais ce n’est jamais vraiment pareil. Quel ne fut donc pas mon enthousiasme lorsque j’appris qu’il y en aurait une à mon université. Quelle expérience intéressante que d’assister à une grève étudiante à l’étranger! Elle devait durer une journée et comprenait une manif. La cause : protester contre les coupes en éducation en Californie. Voici une courte mise en contexte. L’État de Californie fait en ce moment face à une très grave crise budgétaire. Pour y mettre fin, le gouverneur Schwarzenegger a résolu de couper massivement en éducation, ce qui a d’ailleurs un effet direct sur le nombre de cours offert cette session à mon université. Comme ils disent en anglais : déjà-vu. Les cours sont si surpeuplés que de nombreux élèves ne peuvent même pas suivre les cours dont ils ont besoin dans le cadre de leur programme. Bref, grève.

Finalement, il n’y a pas grand-chose à dire sur la manif, qui était très semblable à ce que j’ai vu au Québec. J’ai toutefois été étonné de remarquer que le vocabulaire ouvertement marxiste (bourgeoisie, capitalisme) était plus présent que chez nous.





Pour votre curiosité, j’ai toutefois pris en note tous les slogans qui ont été scandés lors de la manif. Certains sont classiques, d’autres plus originaux.

- No cuts, no fees,

Education should be free!

- Whose street?

Our street!

- C.C., SF State, shut it down like 68! (C.C.= City College, SF State = San Francisco State University. En 68, le mouvement étudiant a occupé les deux établissements et a obtenu la création du College of Ethnic Studies, le seul aux Etats-Unis).

- Ain’t no power like the power of the people, cause the power of the people don’t stop!

Say what? (mon préféré, se dit très rapidement à la manière un peu rap et ensuite la foule répond. Je vous en ferai une démonstration à mon retour)

- What do we want?

Education!

When do we want it?

Now!

- Money for job and education, not for war and occupation!

- Education’s under attack! What do we do?

Stand up, fight back!

- The city (bis) belongs to us,

Stop (bis) the budget cuts!

- Cut the bullshit, not the budget!

- Education should be free

Bail out the student, not the bourgeoisie!


C’est déjà tout pour aujourd’hui. Je remercie sincèrement tous ceux qui m’ont écrit en réponse au dernier tome. J’apprécie les commentaires, les nouvelles de chez nous et les suggestions de rubrique que l’on m’envoie.


Portez vous bien.


Guillaume




Un message plein de sagesse

mardi 17 mars 2009

Guillaume chez les Surfeurs 1 et 1/2



Vous avez bien lu, ceci n’est pas (encore) le deuxième tome de Guillaume chez les Surfeurs. Il s’agit plutôt d’une chronique d’un genre intermédiaire, à mi-chemin entre le reportage photographique et le photo-reportage. En tout cas, c’est très moderne. Il s’agit d’une série de photos dont la force évocatrice est telle qu’elle rend superflu tout commentaire. Le thème d’aujourd’hui : la parade du Nouvel An chinois. Bon, ce n’est pas de la plus grande fraîcheur, car le dit Nouvel An a eu lieu le 17 février dernier, mais, rassurez-vous, les photos n’ont pas encore eu le temps de jaunir.

C’était vraiment un très gros événement. Non seulement la communauté chinoise de San Francisco (qui serait la plus grande au monde à l’extérieur de la Chine) s’y donne en spectacle, mais à peu près toute la ville y participe : les politiciens locaux exhibent des sourires aussi larges que leurs décapotables, les policiers, les réservistes et les pompiers défilent au pas d’oie et à peu près tout ce que la ville compte d’école primaire fait son mignon petit spectacle. Mais le principal intérêt de la parade réside bien sûr dans ses éléments véritablement chinois : les danses du lion, les chars allégoriques sous le thème du buffle, les dragons qui s’étirent sur trois pâtés de maison. Et tout au long du chemin, une foule très dense et en particulier un monsieur qui met continuellement sa tête devant ma caméra.










Et quoi de mieux pour conclure cette soirée qu'un plat de pattes de canard dans un restaurant chinois. Si l'on observe bien, on remarque que les pattes sont bel et bien palmées. Je ne veux pas avoir l'air de me vanter, mais voilà une photo qui ferait un magnifique fond d'écran, à mon avis.

lundi 9 février 2009

Guillaume chez les Surfeurs, tome 1


Bonjour à tous!

C’est avec beaucoup d’émotion, de joie et de douleur dans la main gauche (voir plus bas l’affaire du grizzli) que j’entame aujourd’hui la saga tropicale Guillaume chez les Surfeurs, la série qui a les orteils dans l’océan, la tête à l’université et la main sur le porte monnaie.


La Californie! Terre de rêve et d’ambition! Scintillant eldorado aux milles reflets psychédéliques! Séduisante sirène allongée sur le Pacifique qui de son chant langoureux aux accents exotiques attire en ses filets de chanvre les rêveurs, les marginaux et les chômeurs mexicains du monde entier! Qui d’entre nous ne s’est pas un jour imaginé sauter dans une rutilante voiture sportive sortie d’on ne sait où et foncer avec les cheveux et le shaggy au vent à toute vitesse vers la CALIFORNIE pour y refaire sa vie en compagnie de l’être aimé(e) et bronzé(e)? Pas moi, en tout cas. Mentalement, je m’évadais plutôt dans une jolie troïka avec des grelots et je parcourais la steppe en chantant Kalinka-Kalinka-Kalinka-Maia. Chacun a sa propre conception de l’exotisme et la mienne, allez savoir pourquoi, est davantage peuplée de babouchkas ridées que de Californiens souriants, bronzés et outrageusement bien dans leur peau, comme ils le sont tous. Ce qui ne m’a toutefois pas empêché de me réjouir de mon départ, surtout quand le chauffage de notre appartement à Montréal a inopinément rendu l’âme et que notre espace de vie s’est mis à ressembler au château de glace du carnaval de Québec. Le chauffage est revenu, mais je suis parti quand même.


Rubrique 1: le climat

Avant de vivre le choc culturel, il y a d’abord le choc climatique. Le mien fut double : le premier parce qu’il fait étonnamment chaud et le second parce qu’il fait étrangement froid. Je m’explique. Tout d’abord, leur hiver ressemble à notre printemps. Pendant ma première semaine à San Francisco, le mercure batifolait dans les 25 degrés avec le soleil au zénith. On a beau s’y attendre un peu, mais ça fait un choc de voir un indigène se promener en camisole sous les palmiers quand on a encore la lèvre fendue d’une balle de neige reçue quelques jours plus tôt. Par ailleurs, la clémence du climat se combine à l’éternelle humidité de la région pour permettre un étonnant foisonnement de parfums végétaux. J’ai profité du beau temps des premiers jours pour me promener dans les parcs et, mon Dieu, quelle aventure olfactive! Nul besoin de se rouler dans les plates-bandes pour être assailli, au détour d’un sentier, par une puissante odeur de fleurs ou, plus loin, par l’odeur touffue des conifères ou, avec de la chance, par des effluves de marijuana… bref ça sent toutes les bonnes choses qui vivent et qui poussent! Le campus de mon université est remarquable à ce titre. C’est un vaste campus à l’américaine avec de grandes pelouses où l’on peut s’étendre pour étudier les yeux fermés à l’ombre de pins géants. À côté de ça, le parc Émilie-Gamelin fait plutôt pâle figure.

À lire ces lignes, on pourrait s’imaginer que c’est la canicule perpétuelle et que je passe mes journées à peaufiner le bronzage tout autour de mon slip à motif léopard. Malheureusement, mes projets en ce sens sont contrecarrés par la perfidie du climat de San Francisco. En effet, la chaleur du milieu de la journée et la luxuriance de la nature ne doivent pas faire oublier que, comme le soulignent avec insistance les San Franciscains, « ici, ce n’est pas Los Angeles ». En gros, ça veut dire que la température de l’eau est à peu près la même qu’à Gaspé, car le courant arrive directement de l’Alaska, et, surtout, que la température de l’air chute à environ 12 degrés en soirée. Malheur à l’imprudent qui quitte sa demeure à midi en T-shirt sans prévoir de manteau pour le soir! Les indigènes eux-mêmes semblent d’ailleurs s’y laisser prendre, à en juger par le concert de reniflements, d’éternuements et de toux qui résonne dans les salles de cours ces temps-ci.


Dernier commentaire par rapport au climat : les fahrenheit sont une absurdité sans nom. Suis-je censé avoir une espèce d’idée de ce que signifie 60 degrés Fahrenheit quand mon seul point de repère est qu’un poulet cuit en une heure à 350 degrés? Non seulement ce système est stupide, mais il y a de quoi se casser la tête contre un mur à essayer de les convertir en Celsius, à moins d’être capable de diviser mentalement par neuf des nombres à trois chiffres. J’ai la conviction profonde que les fahrenheit, les gallons et les pouces causeront la chute de l’empire américain, comme la bonne chère et les bains chauds ont causé la perte de l’empire romain.


Rubrique 2 : le grizzli

J’ai inauguré mes études américaines dans le sang. Des torrents d’hémoglobine jaillissaient en gros bouillons de ma main gauche alors que je parcourais le campus, à la recherche de mes locaux. À ceux qui me demandaient ce qui m’était arrivé, je répondais invariablement que Mission (le quartier où j’habite) est effectivement un quartier dangereux et que j’y avais eu à défendre mon porte-monnaie contre les visées vindicatives d’un grizzli. Cette anecdote me donna l’occasion de constater que les Américains ne sont pas aussi bêtes qu’on le dit, puisque la plupart devinèrent immédiatement que j’avais en fait eu un accident de vélo. Avant de révéler les sordides détails de cette histoire, j’aimerais ouvrir une parenthèse sur la condition de cycliste à San Francisco.

Il m’a fallu très peu de temps pour faire les trois observations suivantes au sujet de San Francisco :

1- Il fait toujours beau

2- Le transport en commun ne vaut pas de la chnoute (j’y reviendrai une autre fois)

3- Il y a plein de cyclistes partout

J’en suis donc arrivé à la conclusion que je devais me porter acquéreur d’un de ces charmants petits mammifères à deux roues. Je n’ai d’ailleurs même pas eu à me donner cette peine, car mon propriétaire m’a offert l’un des siens pour la durée de mon séjour. Le vélo en question n’est pas du plus récent modèle : le changement de vitesse est souverain au sens politique du terme et la couleur est impossible à identifier, car elle est couverte par la moitié du sable du Nevada (ce qui trahit son usage répété dans le cadre du Burning Man*). En plus, il y a un petit toutou de singe accroché au guidon et les poignées sont en minou noir à poil long. Sans blague. D’ailleurs, je cherche encore un nom pour le petit singe. Je suis ouvert à toutes les suggestions. Celui dont la proposition sera retenue se méritera une surprise.


Au-delà de ces attendrissantes considérations personnelles, qu’en est-il de la condition de cycliste à San Francisco? Pour ma part, je m’attendais au pire. Après tout, le droit de posséder un VUS et d’écraser les cyclistes n’est-il pas inscrit dans la Constitution américaine? Or, en ce domaine comme en beaucoup d’autres comme je le réalisai plus tard, San Francisco n’est pas américaine. Ici, la conduite du vélo est fortement encouragée et elle est largement pratiquée. La ville est dotée d’un grand réseau de pistes cyclables, même si la plupart ne sont que des voies attitrées dans la rue. Mais ce qui est le plus remarquable, c’est qu’en dehors des pistes cyclables on reconnaît aux cyclistes le droit d’occuper la voie, au même titre que les voitures. Nul besoin de zigzaguer entre les voitures qui roulent et celles qui sont stationnées, au risque de s’encastrer à toute vitesse dans une portière ou dans un rétroviseur, il suffit de rouler en plein centre de la voie et de suivre la circulation, à condition qu’il y ait au moins une voie pour dépasser. Ceux qui font du vélo hors des pistes cyclables savent qu’à Montréal un tel comportement se mériterait un concert de klaxon. C’est d’ailleurs probablement ce qui m’attend lorsque je reviendrai avec mes habitudes californiennes.

Le seul élément qui pourrait potentiellement décourager du vélo à San Francisco, et qui paradoxalement fait tout son charme, c’est l’omniprésence des collines.


Sous-rubrique 2.1 : les collines

Langoureusement allongée entre le Pacifique et la baie qui porte son nom, la pulpeuse San Francisco exhibe de nombreuses voluptueuses rondeurs, de même qu’un certains nombre d’attraits aux pointes affolantes. Où que l’on soit en ville, il n’y a que deux possibilités : dans le creux intime d’une vallée ou sur le flanc soyeux d’une colline. Bien sûr, le cycliste prépare minutieusement son trajet de manière à ne circuler que dans l’entrelacs complexe des vallées, mais il finit toujours (surtout s’il décide de prendre un raccourci, s’il se perd ou les deux à la fois) par devoir envisager une séance d’escalade. Dans bien des cas, la colline surgit de manière aussi brutale que soudaine : la rue qui monte fait penser à un mur ou, à la limite, à une pente de ski asphaltée. Surpris par la violence de l’escarpement, le cycliste n’a que le temps de faire dégringoler ses vitesses jusqu’à la première (au grand dam de son dérailleur qui grince comme un vieux tracteur soviétique) et il se lance à la conquête des hauteurs vertigineuses. Quelques minutes et beaucoup de sueur plus tard, la langue pendante jusqu’aux pédales, les cuisses en feu et le cœur en phase post-terminale, le cycliste parvient finalement au sommet. La vue qui s’offre alors à lui est de nature à lui faire oublier ses efforts et leurs dommages probablement irréparables sur sa santé. Si certaines des collines de San Francisco sont coiffées d’un mamelon de verdure, la plupart sont uniformément couvertes d’un tapis urbain, ce qui donne la fascinante impression que la ville ondoie en de grandes vagues figées. Le jour, le spectacle est magnifique. À perte de vue, d’innombrables petites maisons aux couleurs chaudes escaladent une colline en rangs serrés, la ceinturent en spirale, redescendent et se lancent à l’assaut de la colline suivante. La nuit, le spectacle est magique. Le dense fourmillement des lumières contraste avec la rareté des étoiles et forme une ligne d’horizon courbe qui laisse deviner le relief de la ville.




Retour à la rubrique 2 : grizzli

Une fois rassasié de ce spectacle, le cycliste doit généralement envisager de redescendre la colline. Or, les lois de la gravité étant ce qu’elles sont jusqu’à nouvel ordre, il s’avère que la descente est beaucoup plus éprouvante que l’ascension. À moins de prendre peur au dernier moment, de décider de demeurer au sommet, d’y fonder une commune hippie et d’y consacrer le reste de sa vie à appliquer les idées de Proudhon dans la chaleureuse proximité des chèvres, le cycliste n’a pas d’autre choix que de se jeter dans le vide. La sensation qui s’apparente le plus à celle du cycliste dévalant une colline à San Francisco, à mon avis, est celle du skieur débutant, dont les genoux tremblotent sur ses skis de location, qui se retrouve par erreur sur une piste double losange noir. Tout d’abord, il y a la certitude de mourir. Ensuite, il y a l’impression de faire du parachute sans parachute. Puis, il y a le réflexe de saluer Marie pleine de grâce qui est bénie entre toutes les femmes et de regretter de ne pas savoir la suite. Finalement, et surtout, il y a cet étrange réflexe du recul sur ses skis, pour conserver son point d’équilibre du bon côté de la pente. Et bien tout cela est exactement pareil en vélo, si ce n’est que le cycliste ne recule non pas dans ses bottes de ski, mais sur sa selle (bien vite, il n’est plus assis dessus, mais derrière), car il a la très nette impression qu’il suffirait d’une petite bosse sur la chaussée, ou même de rouler sur un Q-tip égaré, pour que la roue arrière décide de voir si elle ne pourrait pas aller jouer les éclaireurs en avant. La seule différence avec le ski, c’est que la descente alpine n’est habituellement pas interrompue par un arrêt (stop) au milieu de la pente, ce qui exige de bons freins et/ou de bonnes semelles.


J’allais oublier de parler de mon accident. C’était, comme je l’ai dit, au premier jour du semestre. J’étais tout propre, tout bien peigné (sous mon casque) pour faire bonne impression auprès des professeurs et je me rendais gaillardement à l’université à vélo quand, alors que je descendais la dernière côte face à l’université, une voiture qui attendait à une lumière rouge décida inopinément de se départir d’un de ses passagers. La portière s’ouvrit donc sur ma gauche, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Grâce à mes réflexes de ninjas, je réussis bien sûr à esquiver la portière, mais mon guidon ne parvint pas à en faire autant. Je perdis donc quelque peu l’équilibre, juste assez pour aller caresser la chaussée avec ma main gauche, mon genou droit et mon coude droit (à essayer dans votre prochain party de Twister). Pour laver mon humiliation et pour éviter que les gens autour se mettent à crier, pleurer et téléphoner à ma mère, je me suis immédiatement relevé et, avec toute la délicatesse qui me caractérise, j’ai enjoint la responsable de l’accident (qui semblait plus traumatisée que moi) de faire attention la prochaine fois, merde. À la suite de quoi je suis remonté sur mon vélo et je me suis rendu à l’infirmerie de l’université. Détail ironique de l’histoire, je ne m’y rendis pas en raison de mon accident, mais bien parce que j’avais justement affaire ce matin là à l’infirmerie pour des histoires d’assurances. Évidemment, je rêvais aussi secrètement qu’une jolie infirmière s’apitoie sur mon sort alors que moi, comme un vrai dur, je lui dirais que ça fait même pas mal. Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé. Je n’ai eu droit qu’à la réaction horrifiée de la madame des assurances qui ne voulait pas me remplir le formulaire machin-truc sous prétexte que je dégoulinais de sang sur son comptoir et qui insistait pour j’aille me « get fixed » (ce qui est une expression savoureuse, convenons-en). J’ai donc dû me couvrir la main d’une collection de diachylons pour pouvoir mener à bien les procédures administratives. À la suite de quoi je suis allé à mes cours, mine de rien. Comme un vrai dur.


Rubrique 3 : Obama

Plusieurs d’entre vous m’ont demandé comment se vit la frénésie autour d’Obama (il y a un terme pour ça : l’Obamania) à San Francisco. Eh bien, je dois dire que comme je ressemble personnellement beaucoup à Obama, je suis la cible de nombreux PDA (public display of affection) : les gens me félicitent, m’embrassent, me demandent des autographes. Enfin, j’ai l’habitude : à Montréal, on me prend souvent pour Nelson Mandela. Au-delà de cette flatteuse confusion, j’ai observé que les gens à San Francisco sont vraiment très contents. La ville, comme je le mentionnais précédemment, est probablement la moins américaine des États-Unis, la plus « liberal » ( au sens américain du terme, ce qui signifie grosso-modo « social-démocrate au plan socio-économique et libéral au plan moral »). Nombreux sont les gens ici qui critiquent vertement la politique américaine en général, le rôle des États-Unis dans le monde, la culture de masse américaine, etc. Pour tout dire, certains ne se considèrent même pas Américains, mais Californiens. Avec Obama, ça commence à changer. Les gens sont vraiment fiers de son élection. Évidemment, la société américaine est, comme la nôtre, une société individualiste où la politique ne joue pas un grand rôle dans la vie des gens, mais il y a des signes d’allégresse qui ne trompent pas. En voici quelques uns :

- Le jour de l’investiture d’Obama, les responsables de la formation des étudiants internationaux ont décidé de nous présenter ce moment historique en direct à la place d’un film poche sur l’université, car, disaient-ils, ils étaient très excités, très fiers et ils voulaient partager ce moment avec nous.

- J’ai voulu acheter l’édition du dimanche du San Francisco Chronicle, car on y trouve une espèce d’agenda culturel de tout ce qui se passe côté artistique en ville pendant la semaine. C’était deux jours avant l’investiture. Dès 10h00, il n’en restait plus une seule copie nulle part. La propriétaire d’un dépanneur m’expliqua que les gens en achetaient par paquet de cinq, dans le but de les revendre sur Ebay plus tard, comme pièce de collection. Voilà l’inconvénient de vivre en ces temps historiques.

- Partout en ville, il y a eu des partys dans des bars pour fêter l’arrivée d’Obama, de même que des partys pour fêter le départ de Bush.

- Dans les magasins, Obama rivalise actuellement avec la Saint-Valentin pour la quantité de produits dérivés : la tasse Obama, le crayon Obama, la poupée Obama, le calendrier Obama, le chandail Obama, le porte-clé Obama, etc.

- Dans le charabia que racontent les innombrables sans-abris au coin des rues, on distingue de temps en temps le mot « Obama ». L’espoir est pour tout le monde.

- Quelques affiches révélatrices :

Je crois bien que c’est cela qui va être cela pour le premier épisode de Guillaume chez les Surfeurs. Pour la suite, j’ai déjà quelques sujets en tête : l’argot San Franciscain, le coût de la vie, les sans-abris, le transport en commun. D’ailleurs, si vous avez des questions, des interrogations, des questionnements ou d’autres problèmes psychologiques graves, je suis disposé à vous libérer de ce poids en prenant en note vos suggestions. Sentez-vous bien libre de me faire part de vos commentaires et de me donner des nouvelles de vous, de chez nous ou d’ailleurs. Je ne suis pas un très bon correspondant et je ne réponds pas souvent aux messages qu’on m’envoie (cette d’ailleurs pour ça que je tiens cette chronique), mais ça me fait toujours plaisir d’en recevoir. Je remercie d’ailleurs ceux qui m’ont déjà envoyé de leurs nouvelles ou m’ont simplement dit bonjour (parfois avec une surprenante tendresse).


Portez-vous bien, chenapans! Amusez-vous dans la neige et faites attention quand vous vous lancez des balles de neige : la glace, ça fait mal.


Si vous vous intéressez à San Francisco, allez voir le film Milk, s’il est encore au cinéma. Sinon, attendez quelques semaines et louez-le.


À peluche,


Guillaume


*Le Burning Man, si j’ai bien compris, est une sorte de festival artistique underground dans le désert où les gens font du camping et se promènent en vélo. J’enquête et je vous reviens là-dessus


lundi 5 janvier 2009

Guillaume chez les Soviets, tome 1

Bonjour à vous, tovarichi

Voici inauguré, en temps réel devant vos yeux éblouis et cela grâce à la magie magique de la technologie, le premier épisode de la saga nordique Guillaume chez les Soviets. La longueur en est compensée par la faiblesse du tirage.

Épisode numéro Un : Guillaume arrive et Saint-Pétersbourg l’acclame comme un Dieu
Le premier contact avec Saint-Pétersbourg, à l’aéroport, est des plus chaleureux et mes contacts avec les Russes me ravissent dès le premier abord. Tout d’abord, la douanière qui martèle violemment de son tampon mon beau visa tout neuf, puis le préposé de l’université qui est venu me chercher a l’aéroport, énorme buffle en camisole qui sent la bonne sueur virile. Un sourire niais aux lèvres et les deux bras probablement allongés de 30cm par mes valises, je le suis dans sa camionnette branlante et nous nous mettons en route vers la cité de toutes les découvertes.

Je passe les trente premières minutes du trajet à lire tous les panneaux en cyrillique en n’y croyant pas moi même. Ce moment de contemplation passé, je me mets à observer les lois de la conduite automobile en Russie, ce qui s avère très intéressant. Voici un échantillon de mes observations:
-Les changements de voie ne se font pas par l’attente du moment propice, mais par la provocation très proactive de ce moment.
-Une lumière rouge n’est pas un motif raisonnable pour s’arrêter à un coin de rue.
-La ligne d’arrêt des véhicules au coin de la rue est une simple décoration, mieux vaut s’arrêter au milieu du carrefour.
-Si la circulation est très dense et vous semble trop lente, ne perdez pas votre temps et roulez sur le trottoir pour dépasser tout le monde.
-Quels piétons?

Mon conducteur particulier me dépose finalement à l obchijitie (la résidence), grosse baraque qui ressemble à une prison mais qui semble beaucoup mieux entretenue que tous les bâtiments des alentours. Dans ma chambre, je fais la connaissance de mon coloc: un gentil Chinois, installé ici depuis deux ans. La seule langue que nous avons en commun est le russe. Je sens que je vais progresser vite.

Bon, je pensais narrer dans le détail toutes les aventures palpitantes qui me sont arrivées ici, mais, a bien y penser, ça risque d’être un peu long et pas du plus palpitant (du genre, aujourd’hui, j ai acheté une botte de carottes et je me suis trompé d’autobus), alors je vais plutôt fonctionner par rubrique sur des sujets précis, ce qui va vous permettre, via mes observations ultra-scientifiques et toujours objectives, de vous faire une idée nette et précise de la vie en Russie. Donc, fin du format ÉPISODES et début du format RUBRIQUES.

Rubrique 1 : les Moustiques
Je suis maintenant bien installé dans la résidence, où nous avons la télé, internet et même la douche! C est un petit peu petit et disons qu’il serait impossible de faire une compétition de tango dans le mètre carré d’espace libre entre les lits, mais ça n’était pas non plus dans mes projets. Le principal désagrément ici, c’est les moustiques qui m’empêchent de dormir. C’est un peu ridicule à dire, car ce n’est pas comme si j’en étais à ma première rencontre avec ces charmantes bestioles, mais il faut dire que les moustiques russes sont paranormaux. Au premier abord, ils semblent physiologiquement identiques a nos bons vieux maringouins, mais ce n’est la qu’un fourbe déguisement pour dissimuler leur véritable nature. Car, en fait, ce sont de Supers-Maringouins! Tout d abord, ils vont à une vitesse tout a fait impossible et dont la seule explication plausible est la téléportation. Au moment où l’on réussit à en voir un, il disparaît aussitôt pour réapparaitre une seconde plus tard à quelques mètres de là. Et non, ce n’est pas un autre maringouin. Ensuite, ils sont immortels. Moi qui peut me vanter d’être l’auteur de nombreuses hécatombes parmi les moustiques québécois, je n ai jamais réussi à écraser un seul moustique russe. Comme la technique du meurtre artisanal ne semble pas avoir d’effet, moi et mon coloc avons décidé de recourir à la manière forte : nous avons complètement enfumé la chambre d’un produit antimoustique tout a fait terrible et qui doit être interdit dans tous les pays civilisés. J’ai cru que les appareils électriques allaient fondre et la tapisserie se détacher, mais finalement le mobilier a survécu et les moustiques, non. On devrait répandre de ce produit partout au Québec, il n y aurait plus un seul moustique vivant (ni plus rien d autre, d’ailleurs).

Rubrique 2 : La communication avec les Russes
Si vous croyez encore au mythe selon lequel les Russes ne sourient presque jamais, eh bien vous avez raison. En effet, la coutume russe veut qu’il ne faut pas sourire quand on n’en a pas sincèrement envie. Et comme, à bien y penser, il n’y a pas beaucoup de situations dans la vie de tout les jours qui donnent spontanément envie de sourire, on ne sourie pas souvent. Il ne faut donc pas s’étonner si tous les vendeurs, tous les conducteurs d autobus et tous les gens dans la rue ne sourient pas, car vendre du linge, conduire un autobus et se promener dans la rue ne sont pas des activités particulièrement drôles. Bien sûr, quand ils sont entre amis, et d’ailleurs les Russes adorent sortir entre amis (en fait, y a-t-il un peuple qui n’aime pas sortir entre amis?), les Russes sourient, ils savent comment faire. Mais dans les situations de la vie de tous les jours, les Russes trouvent complètement ridicules les étrangers qui sourient quand ils achètent un billet d’autobus et ont plutôt l’impression que nous sommes débiles légers. Si on veut faire des comparaisons, c’est un peu l’impression qu’on a lorsqu’on fréquente des Chinois (il y en beaucoup ici) qui sourient de façon permanente, qu’ils soient contents ou pas, et alors on a le sentiment que ça fait faux.
A part ça, la communication avec les Russes se déroule étonnamment bien, moi qui n’était pas capable d’aligner deux mots en Russe quand j’étais au Québec. D’ailleurs, la fois ou neuf étrangers sont restés coincés dans un ascenseur (capacité maximale : 4 personnes), j’ai même servi d’interprète avec le technicien russe. C est à dire que je traduisais les insultes et les cris de ce charmant technicien qui s’était fait réveiller en pleine nuit. Mais à part ces quelques moments de gloire, mes conversations avec les Russes varient de l’échec lamentable au succès relatif, selon les jours et selon ma chance.
Le fait est que les Russes me prennent tout le temps pour un Russe et s’adressent spontanément à moi dans la rue, probablement à cause de mon air sympathique, serviable et admirable en tous points. Alors bref, ils m’arrêtent et me posent une question. Il y a alors deux possibilités :
Possibilité 1 : Je ne comprends pas un mot de ce qu’il raconte, ou alors pas assez pour comprendre le sens profond de leurs préoccupations et je réponds n’importe quoi (souvent) ou alors que je ne le sais pas (rarement). Alors, les Russes peuvent réagir de deux façons :
Possibilité 1.1 : Ils sourient de façon sympathique en réalisant que je suis un étranger et tentent de m expliquer davantage leur question avant d’abandonner en s’apercevant que c’est une cause perdue.
Possibilité 1.2 : La plus drôle : ne réalisant pas que je suis un étranger et me prenant pour un retardé mental, ils reculent en ouvrant de grands yeux puis m’ignorent complètement, comme si je n’avais jamais existé.
Possibilité 2 : Par miracle, je comprends parfaitement la question et je trouve les mots pour répondre de façon correcte et le Russe se retire satisfait, sans réaliser que je ris de façon machiavélique derrière lui, car j’ai habilement réussi à dissimuler ma véritable nature d’espion étranger.
Bon, mes relations avec les Russes se bornent pour l’instant à ces brèves conversations de rue, ainsi que des discussions avec mes professeurs. Il serait temps que je me tienne un peu moins avec des francophones (Français, Suisses, Belges) et que je me fasse des amis russes. Mais je ne vois pas quel intérêt ils auraient a m’entendre massacrer leur langue, a part bien sûr profiter de ma réjouissante présence.

Bon, je sais que je parle de trucs assez bizarres et que j’oublie probablement de parler du plus important, mais ce serait un peu long d’aborder tous les aspects de la vie ici. Si vous voulez avoir des nouvelles sur un sujet précis (exemple, l’architecture, les transports, la météo, la soupe a la betterave, la mafia, l’art néo-birman de la période du Majmalarada supérieur, la vodka, etc.), faites-moi parvenir un formulaire dûment rempli. Gardez la copie rose et faites-moi parvenir la bleue.

Ah, et j’ai oublié de dire que je vais bien, à part la mutation étonnante qui m’est arrivée mais dont je vous réserve la surprise pour mon retour.

Donnez-moi de vos nouvelles, ou des nouvelles du monde, parce que la lecture des journaux russes s’avère encore assez souffrante pour le cerveau et que je suis donc assez déconnecté de tout.

Nou, paka!



Guillaume ( Ça, c’est mon nom écrit en russe, mais avec l’alphabet latin)

17 septembre 2006


P.S. Longue vie à la Musaraigne constipée. Vérification faite, les clôtures russes sont moins dangereuses à escalader que celles près de La Ronde.
P.P.S. Simon Letendre, pourrais-tu me faire parvenir les adresses électroniques de Simon Murray et de la députée de Depelteau, s il-te-plait? Merci.